STÉRÉOGRAMMES À TROUS


Elisabeth MULLER-FEUGA & Jean-Bernard WEISS (Paris)

Un stéréogramme est constitué par deux figures analogues imprimées sur un support opaque ou transparent. Il est utilisé lors des rééducations orthoptiques, en particulier pour augmenter les amplitudes de vergence.

Deux mécanismes interviennent lors du travail avec stéréogrammes : la déneutralisation et la dissociation entre la vergence et l’accommodation.

Deux modes de travail existent, en convergence (Figure 1) et en divergence (Figure 2). Dans les deux cas, il y a dissociation entre l’accommodation et la vergence.

muller101.jpg (4617 octets)
Figure 1
: Travail en convergence

muller102.jpg (5695 octets)
Figure 2 : Travail en divergence

Pour un travail en convergence, les axes visuels se croisent en avant du stéréogramme. Au début, le patient peut s’aider en fixant son doigt ou un crayon là où les axes visuels doivent se croiser; c’est à dire entre les yeux du patient et le stéréogramme.

Dans le travail en divergence, la mise en œuvre est plus délicate. Tout d’abord, l’écart entre les deux figures ne doit pas être supérieur à l’écart interpupillaire, sinon les yeux devraient avoir une position de divergence absolue lors de la sagitalisation. D’autre part, le patient ne peut s’aider par la fixation d’un objet réel, celui-ci situé en arrière du stéréogramme serait caché par ce dernier. Une première solution à ce problème est apportée par les stéréogrammes imprimés sur matière transparente, une seconde par des stéréogrammes à trous.

Nous avions déjà édité en 1976 des stéréogrammes imprimés sur matière plastique transparente (1), ceci afin de faciliter le travail en divergence. L’emploi des stéréogrammes à trous n’est pas nouveau, puisque Hugonnier, qui préconisait très systématiquement l’emploi des stéréogrammes comme traitement adjuvant des insuffisances de convergence, mentionne leur existence dans son livre (2).

Mais c’est en 1982 que le Docteur Bongard (3), élève d’Hugonnier, nous a suggéré de percer les stéréogrammes habituels pour faciliter le travail en divergence. Cette solution est particulièrement élégante, et nous la remercions de son conseil.

LES STÉRÉOGRAMMES À TROUS
Le support opaque est percé de deux trous circulaires. Et ce sont ces orifices et leurs bordures que doit fusionner le patient. À la périphérie des trous sont imprimées des figures qui, lorsqu’elles sont fusionnées, provoquent une sensation de relief.

Nous avons dessiné une nouvelle série de 6 stéréogrammes composés de deux figures élémentaires. Chaque figure élémentaire comporte un rond central entouré de deux anneaux noirs. L’anneau central sert de base; et l’écart indiqué sur chaque stéréogramme correspond à la distance, exprimée en millimètres, qui sépare les anneaux internes des figures élémentaires du stéréogramme. Dans cette série l’écart varie de 35 mm à 60 mm. Pour obtenir des stéréogrammes troués, on a enlevé la partie centrale des figures élémentaires, en ne conservant que les deux anneaux (Figure 3). On dispose ainsi de deux séries de stéréogrammes: les stéréogrammes habituels, non troués, et des stéréogrammes troués.

muller103.jpg (5951 octets)
Figure 3
: Stéréogramme troué; la partie centrale des figures élémentaires est enlevée.

Les six stéréogrammes non troués se ressemblent (Figure4). Pour les stéréogrammes dont l’écart est de 55 ou 60 mm, le décalage du rond centrai et de l’anneau périphérique est en dedans, tandis que pour les quatre autres stéréogrammes, le décalage est en dehors, Ceci a été imposé lors de la réalisation.

muller104.jpg (15497 octets)
Figure 4
: Série de 6 stéréogrammes non troués dont l'écart varie de 35 à 60 mm

Lorsque la fusion se fait en divergence relative, pour les stéréogrammes marqués 55 et 60, l’anneau périphérique semble être plus rapproché de l’observateur, et le rond central plus éloigné; et pour les quatre autres stéréogrammes, c’est l’inverse, le rond central étant plus proche.

Lorsque la fusion se fait en convergence relative, pour les stéréogrammes marques 55 et 60, l’anneau périphérique semble être plus éloigné de l’observateur, et le rond central plus proche; pour les quatre autres stéréogrammes, c’est l’inverse, le rond central est plus éloigné.

TRAVAIL EN CONVERGENCE
Le travail en convergence doit être entrepris de la façon habituelle. Les principaux avantages de ces stéréogrammes sont la calibration de l’écart des figures et la rigidité du support.

TRAVAIL EN DIVERGENCE
On commencera par le travail en divergence de près qui est le plus facile. Pour ce travail en vision de près, il faut utiliser de préférence le stéréogramme de 45 mm.

D’une main le patient tient le stéréogramme prés du visage et place les deux trous en face des yeux. Il regarde l’index de l’autre main, tenu à environ 30 cm. Puis, progressivement, il éloigne le stéréogramme de ses yeux, tout en maintenant la fixation sur son index,

Quand le stéréogramme est éloigné du visage d’environ 6 centimètres si le patient fixe binoculairement son doigt, il perçoit trois trous. Il doit alors porter son attention sur le trou central puis retirer son doigt en continuant à voir les trois trous. Ultérieurement, il avancera et reculera le stéréogramme tout en maintenant la fusion en divergence.

Pour un travail à distance, les mêmes manœuvres seront effectuées en fixant un objet plus éloigné. Plus la distance sera grande, plus l’écart entre les deux orifices devra être important. Au delà de 5 mètres, on utilisera le stéréogramme de 60 mm.

TRAVAIL DANS UN MIROIR
Avec le stéréogramme de 60 mm, on peut travailler en regardant un miroir placé en arrière du stéréogramme. La face imprimée du stéréogramme sera tournée vers le miroir, et non vers le sujet. Au début, le stéréogramme est collé contre le visage. Le patient voit alors le stéréogramme dans le miroir. En l’éloignant du visage, il arrive un moment où il ne perçoit dans le miroir que l’image d’un seul trou. La sagitalisation est alors obtenue. En rapprochant le stéréogramme du visage, les deux trous latéraux apparaissent dans le miroir. Si la sagitalisation est perdue, c’est à dire si le patient ne perçoit que deux trous, il faut alors éloigner à nouveau le stéréogramme pour ne percevoir qu’un seul trou, puis recommencer les précédentes manœuvres.

Quand la sagitalisation est obtenue et qu’elle est stable, on voit dans le miroir, à l’intérieur du trou central, un œil "cyclope" résultant de la fusion des images des deux yeux. La fermeture d’un œil ne fait pas disparaître l’image de cet œil.

DOUBLE SAGITALISATION
On peut aussi travailler avec deux stéréogrammes: le patient fixe un stéréogramme non percé et utilise un stéréogramme percé de la manière décrite auparavant. On obtient ainsi une double sagitalisation.

Ces exercices ne sont cités ici qu’à titre de curiosité, car ils sont difficiles à réaliser.

La fusion du stéréogramme troué, tenu près de yeux, se fait en divergence. Mais suivant les écarts respectifs des stéréogrammes troués et non troués, on peut obtenir, pour le stéréogramme non troué, une fusion soit en convergence, soit en divergence.

Lors de ces exercices, on placera le stéréogramme non troué à environ 40 centimètres de l’observateur. Le stéréogramme troué sera appliqué contre les yeux, puis progressivement éloigné.

En prenant le stéréogramme troué de 60 mm et le stéréogramme non troué de 35 mm, pour une certaine position des stéréogrammes, les axes visuels se croisent au delà des deux stéréogrammes, et la fusion se fait en divergence relative pour les deux stéréogrammes (Figure 5).

muller105.jpg (12984 octets)
Figure 5
: Avec le stéréogramme troué de 60 mm et le stéréogramme non troué de 35 mm, la fusion se fait en divergence relative pour ces deux stéréogrammes.

Mais en prenant le stéréogramme troué de 35 mm, et celui non troué de 60 mm, on peut obtenir la fusion avec le croisement des axes visuels dans une zone située entre les plans des deux stéréogrammes. Le stéréogramme troué est alors fusionné en divergence relative, et le stéréogramme non troué en convergence relative (Figure 6).

muller106.jpg (14227 octets)
Figure 6
: Avec le stéréogramme troué de 35 mm et le stéréogramme non troué de 60 mm, la fusion se fait en divergence relative sur le premier et en convergence relative sur le second..

CONCLUSION
Pour le travail en divergence, ces nouveaux stéréogrammes sont beaucoup plus faciles à utiliser que les stéréogrammes classiques ou même que les stéréogrammes transparents. Nous espérons qu’ils apporteront une aide à ceux ou celles qui utilisent les stéréogrammes comme complément à la rééducation des insuffisances de convergence. Il est possible qu’ils soient utilisables pour la rééducation des strabismes divergents intermittents ou même de certains strabismes convergents. De toutes façons, ils apportent une certaine variété aux exercices pratiqués par nos patients.

RÉFÉRENCES
(1) F. BOURRIÉ, J.B. WEISS. "Les stéréogrammes". J.Fr.Orth. 1972,4,113-120
(2) R. & S. HUGONNIER. "Strabismes, hétérophories, paralysies oculomotrices" 3ème édition, 1976. Masson. Paris, p 634
(3) S. BONGARD. Communication personnelle. 1982


retour.gif (1536 octets) retour au sommaire du Varia II

(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)