TEST STÉRÉOSCOPIQUE EN VISION AU LOIN


Martine MUNCK & Jean-Bernard WEISS (Paris)

Au titre de l’année 1986, les membres du CERES ont reçu un nouveau test de vision stéréoscopique de loin. Nous vous exposons ici les caractéristiques et les résultats d’un tel test.

La perception d’une forme en relief par rapport au fond peut être obtenue à l’aide de deux types de tests.

Avec le premier type, comme le test de Wirt, la forme est perçue monoculairement. On demande au sujet s’il perçoit avec les lunettes polarisées la forme en avant ou en arrière du fond. Avec ces tests, on peut mesurer la stéréoscopie avec précision et obtenir des acuités stéréoscopiques de quelques secondes comme avec le stéréoscope de Zeiss.

Dans le second type, comme le T.N.O,, la forme ne peut être perçue monoculairement. Ces tests dérivent, plus ou moins directement, des stéréogrammes à points aléatoires de Julesz (1,2,3). En fait, la perception de la forme, phénomène binoculaire, dépend plus des possibilités fusionnelles du sujet que de son sens stéréoscopique.

Ces deux types de tests sont très dissemblables.

Avec les tests du premier type, il faut contrôler la validité des réponses du sujet en multipliant les épreuves et en inversant le relief.

Avec les tests du second type, le fait que le sujet perçoive la forme, indique que la fusion existe. Ces tests semblent donc être plus fiables que les précédents. Mais les seuils stéréoscopiques mesurés sont en général beaucoup plus élevés qu’avec les tests du premier type.

Parmi les tests du second type utilisés sans appareillage spécifique, citons :

- Le T,N,O, avec une séparation obtenue par des lunettes rouge-vert et une distance d’examen de 30 cm (4).

- Le E de Reinecke avec une séparation obtenue par des lunettes polarisées et une distance d’examen pouvant atteindre 5 mètres (5).

- Le test de Lang avec une séparation obtenue par des micro-lentilles cylindriques situées sur la face avant du test et une distance de présentation, relativement immuable, de 30 cm. C’est le seul test qui ne nécessite ni appareillage ni lunettes (6).

DESCRIPTION
Le test que nous vous présentons apparaît comme un ensemble de points imprimés en rouge, vert et noir. Ses dimensions sont d’environ 38 sur 27 cm. La forme, un chat, ne peut être perçue que si on regarde le test au travers de lunettes rouge-vert et que si l’on possède une vision binoculaire (Figure 1).

L’acuité stéréoscopique correspondante est de 250" pour une distance d’examen de 5 mètres. Certains sujets ne peuvent percevoir le chat qu’à une distance de 2,50 mètres, ce qui correspond à une disparité de 500".

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Figure 1
: Test stéréoscopique Rouge/vert

ANALYSE

Ce test nécessite l’utilisation de lunettes rouge-vert complémentaires. Cet inconvénient mineur est partagé avec les autres tests, hormis le test de Lang.

Un autre inconvénient, plus important, est qu’il ne comporte qu’une seule image. Il ne peut donc être utilisé plusieurs fois sur un même sujet que tant qu’il reste négatif.

L’avantage majeur de ce test est de pouvoir faire varier la distance d’examen dans de très grandes proportions. Comme le test de Reinecke, il peut être utilisé à 5 mètres. À cette distance, il devient un test fovéolaire puisque l’angle apparent de l’image est de moins de 5 degrés dans le sens horizontal. On peut le présenter à 50 cm. À cette distance, la fusion périphérique intervient puisque l’angle apparent du test dépasse 40 degrés, le chat correspond à plus de 20 degrés dans le sens horizontal. Théoriquement, on pourrait donc mettre en évidence, avec ce test, la stéréoscopie chez des patients présentant un scotome central organique et/ou fonctionnel important et prouver l’existence de la stéréoscopie chez des sujets présentant un microstrabisme. Ce dernier point mériterait d’être précisé.

RÉSULTATS
Pour notre part, nous nous sommes contentés, dans un premier temps, d’étudier la stéréoscopie des parents accompagnant leurs enfants strabiques à notre consultation (tableaux 1 et 2).

Nous avons ainsi testé 147 parents, soit 99 mères et 48 pères, en présentant le test à une distance variant entre 50 cm et un mètre.

Les résultats de cette étude montrent que sur ces 147 parents, 22 n’ont pas pu reconnaître l’image du chat malgré un temps de présentation d’au moins une minute, avec des déplacements du test pour faciliter la perception.

Parmi ces 22 parents, 17 présentent un microstrabisme, le plus souvent méconnu, et associé , dans 3 cas, à une amblyopie.

Pour les 5 autres parents, une mère présente une myopie unilatérale non corrigée et enfin, 4 parents ont un strabisme connu.

Nous avons aussi testé, mais d’une manière non systématique, un certain nombre de strabismes.

  Test Positif Test Négatif Total
Père 42 6 48
Mère 83 16 99
Total 125 22 147

TABLEAU 1 : Réponses des 147 parents systématiquement examinés avec le test stéréoscopique.

  Microstrab. connu Strab. connu Anisométropie Total
Père 6 0 0 6
Mère 11 4 1 16
Total 17 4 1 22

TABLEAU 2 : Étude des 22 réponses négatives : diagnostics chez ces parents.

Les seuls strabismes percevant le chat sont des strabismes d’apparition tardive, avec une composante accommodative et opérés.

Les strabismes divergents intermittents, le plus souvent, ne perçoivent pas le chat alors que la stéréoscopie est maximale au test de Wirt.

Nous avons remarqué de grandes différences quant au temps de réponse du sujet. Chez certains, la réponse est instantanée; chez d’autres, le temps écoulé avant l’obtention d’une bonne réponse s’avère important, de l’ordre de plusieurs secondes, voire 1 minute.

CONCLUSION
Ce nouveau test nous semble intéressant car il peut vérifier l’existence de la stéréoscopie en vision éloignée, sans risque d’obtenir de fausses réponses positives grâce à l’utilisation de clés secondaires.

L’acuité stéréoscopique correspondant à ce test est grossière. Par contre, ce test est beaucoup plus sélectif que le test de Wirt, la fusion étant peu sollicitée.

La comparaison avec le test de Lang, qui ne peut être utilisé qu’en vision de près, reste à faire.

BIBLIOGRAPHIE
(1) B. JULESZ. "Foundations of Cyclopean Perception". The University of Chicago Press, Chicago, 1971.
(2) J.B.WEISS, E. MULLER FEUGA. "Utilisation des stéréogrammes à points aléatoires", Journal Français d’Orthoptique, 1982, p.81-85.
(3) M. MUNCK. "Principe des stéréogrammes à points aléatoires". Journal Français d’Orthoptique, 1982.
(4)T.N.O. "Test for stereoscopic vision". Lameris Instrumenten, 1972.
(5) D. REINECKE and K. SIMONS. "A new stereoscopic test for amblyopia screening". American Journal of Ophthalmology, 78, p.714-721, 1974.
(6) J. LANG. "New Stereograms". Strabismus, Proceedings of I.S.A., Florence, June 21-23, p.175-181, 1982.


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)