G.-P. PALIAGA
(Côme, Italie)

Les méthodes de mesure de l’acuité visuelle utilisée dans le diagnostic et le traitement de l’amblyopie fonctionnelle doivent satisfaire à des conditions de validité et de précision.

VALIDITE : La validité est la capacité avec laquelle un test de diagnostic est en mesure d’identifier les sujets atteints de la maladie que l’on veut diagnostiquer et les sujets sains. On a tous appris par expérience que les méthodes "traditionnelles" de mesure de l’acuité visuelle peuvent laisser échapper des amblyopies fonctionnelles particulièrement lorsque les symboles sont très espacés.

Avec des tables à écartement constant, compris entre 5 et 7 minutes d’arc, les yeux atteints d’amblyopie fonctionnelle sont soumis à une épreuve dans laquelle l’interaction de contours entrave la lisibilité des symboles. La faible distance entre les optotypes améliore donc la sensibilité de la méthode car on diminue la probabilité que les yeux atteints de déficits visuels puissent montrer une acuité visuelle "normale" ou égale à l’autre œil. Par contre, un écartement entre des optotypes de 5 à 7 minutes d’arc ne produit pas d’interaction de contours pour les yeux dont la fonction visuelle est normale. L’examen de l’acuité visuelle effectué dans cet écartement donne pour les yeux normaux des résultats semblables à ceux que l’on peut obtenir en utilisant des optotypes isolés ou largement espacés. Les yeux normaux ont par conséquent peu de probabilité de montrer une acuité visuelle "sub-normale".

PRÉCISION : La mesure de l’acuité visuelle donne des résultats qui ne sont jamais exactement reproductibles. Cette variabilité des réponses est particulièrement évidente dans l’amblyopie fonctionnelle. Pour améliorer la précision de l’examen, il faut adopter une technique d’examen standardisée et s’y tenir rigoureusement. La technique idéale est celle qui nous fournit une mesure de la variation des réponses, ce qui rend possible soit d’établir les limites de confiance de la valeur d’acuité obtenue, soit d’évaluer la signification statistique d’une différence entre deux valeurs d’acuité visuelle.

TABLES AVEC ÉCARTEMENT DE 5 MINUTES D’ARC

Les optotypes utilisés sont de deux types

1. Le E de Snellen présenté de façon aléatoire dans les quatre orientations cardinales.

2. Des lettres majuscules présentées de façon aléatoire.

Le E et les lettres sont rangés selon 13 paliers visuels contenant chacun dix optotypes.

La graduation des optotypes correspond à la graduation logarithmique naturelle. Le logarithme naturel (ln MAR) de l’angle visuel croit de 0.15 à chaque palier. Cela signifie que la grandeur des tests augmente d’environ 16% à chaque palier.

Les carrés situés en début et en fin de ligne servent à créer les conditions désirées d’interaction de contours pour le premier et le dernier optotype. Un intervalle de 9.6 minutes d’arc sépare tous les paliers visuels. Une série de petites flèches relie les optotypes en "colonnes" désignées par la numérotation existant en tête de table. La table peut être utilisée soit à une distance standard de 4 à 5 mètres, soit à une distance diminuée de moitié.

La valeur des acuités visuelles varie de 0.3 à 1.82 pour la distance standard (D). Si la distance est diminuée de moitié (D/2), elle varie de 0,15 à 0.91.

À coté de chaque palier, on trouve la valeur de l’acuité, et en italique, celle de l’angle visuel sous tendu par l’épaisseur des jambages qu’on désigne sous l’abréviation MAR (Minimal Angle of Resolution). Entre parenthèses, on trouve les valeurs du logarithme naturel du MAR pour la distance standard. Les valeurs de l’acuité et celles du MAR sont arrondies tandis que les valeurs logarithmiques du MAR sont exactes.

Sur les deux cotés, on trouve les correspondances entre l’angle visuel du jambage de l’optotype et les fréquences spatiales en cycles par degré.

TECHNIQUES D'EXAMEN

Les tables peuvent être utilisées avec deux techniques différentes :

1. Présentation par colonnes :

C’est la technique qui donne les résultats les plus fiables. Elle a été conçue dans le but de préciser s’il existe une différence statistiquement significative entre deux prises d’acuité visuelle. Cette technique s’adresse donc aux cas pour lesquels la mesure de l’acuité visuelle doit être particulièrement précise.

La technique correspond à la recherche d’un seuil sensoriel absolu avec la méthode dite "des limites" par présentation d’une série de stimuli en ordre décroissant. Les lettres E sont présentées de haut en bas le long des "colonnes" reliées par des flèches. On débute avec la colonne numéro 1, et dès la première faute, on passe à la colonne suivante. Les présentations sont donc répétées dix fois le long des dix colonnes numérotées de 1 à 10 et reliées par des flèches.

Les réponses sont inscrites sur un formulaire (Figure 1) qui garde toute l’information recueillie au cours de l’examen. Dans sa partie centrale, on trouve deux diagrammes en grille dans lesquels on marque avec un point les carrés correspondants aux derniers optotypes reconnus justes et avec une ligne ceux correspondants à la première faute. La moyenne des valeurs des dix dernières réponses justes est considérée comme l’acuité visuelle. Dans les petits cercles situés au dessus des grilles, on peut inscrire les chiffres 1 ou 2 pour indiquer l’ordre d’examen des deux yeux. La distance pour laquelle la table a été utilisée sera indiquée en soulignant les abréviations "St" pour la distance standard, et "1/2St" pour la distance de moitié. Si on transpose les points correspondants aux derniers optotypes vus justes sur les pointillages qu’on trouve des deux cotés des grilles, on obtient une représentation graphique de la distribution des dernières réponses justes sous forme d’histogrammes.

Dans la partie inférieure du formulaire sont enregistrés la correction optique avec laquelle l’examen a été fait (Corr.), la valeur moyenne de l’acuité visuelle (x), l’écart standard (s) et les limites de confiance à 95% (lim. conf.) de la moyenne. Pour obtenir ces données, il est nécessaire d’utiliser une petite calculatrice de poche qui fournira la moyenne et l’écart standard. Si on ajoute et soustrait à la moyenne le produit de la multiplication de l’écart standard par 0,7154, on obtient les limites de confiance à 95% de la moyenne. On atteint donc 95% de probabilité de ne pas se tromper si on affirme que l’acuité visuelle "vraie" est comprise entre ces deux valeurs. La signification statistique de la différence entre deux mesures d’acuité visuelle peut être évaluée avec le calcul des limites de confiance de la différence entre les deux moyennes. 

Figure 1 : Formulaire d'inscription des réponses du sujet

 2. Présentation par lignes :

Pour chaque palier, on présente l’un après l’autre six symboles adjacents en débutant avec des symboles qui soient sûrement reconnus. On arrête les présentations au palier où le patient rate deux (ou plus) présentations. L’acuité visuelle retenue est celle qui correspond au dernier palier pour lequel au moins 5 optotypes sur 6 ont été lus sans aucune faute. À coté de la valeur de l’acuité visuelle, il faudra noter le nombre des signes reconnus justes par rapport à l’ensemble des signes présentés dans le palier suivant, l’indication du type d’optotype utilisé (E pour E, L pour lettres) et l’intervalle en minutes d’arc entre les optotypes.

Par exemple, la notation VOD = 0.64 (3/6 L) 5’ signifie qu’ayant présenté à l’œil droit la table des lettres espacées de 5 minutes d’arc, le sujet a reconnu au moins 5 lettre sur 6 de la ligne 0.64 et qu’il en a reconnu 3 sur les 6 présentées dans la ligne suivante.

TABLE AVEC ÉCARTEMENT DE 7 MINUTES D’ARC

Description de la table : Cette table a été conçue pour l’examen des enfants âgés de moins de 6 ans présentant une difficulté de séparation physiologique car ils sont gênés par des optotypes très serrés. La table se compose du E de Snellen présenté de façon aléatoire dans les quatre orientations cardinales en 10 paliers visuels. La graduation des optotypes correspond à la graduation logarithmique décimale. Le logarithme décimal de l’angle visuel (log MAR) croit à chaque palier de 0.1. Cela signifie que la grandeur des tests augmente d’environ 26% à chaque palier. Un intervalle de 13 minutes d’arc sépare tous les paliers visuels. Les valeurs d’acuité visuelle vont de 0.16 à 1.25. À gauche de chaque palier, on trouve la valeur arrondie de l’acuité visuelle, et à droite la valeur du logarithme décimal du MAR.

Technique d’examen : Avec cette table, la technique de présentation par lignes précédemment décrite doit être utilisée.

Figure 2 : Échelle de Paliaga (1)

Figure 3 : Échelle de Paliaga (2)

Figure 4 : Échelle de Paliaga (3)

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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)