INCOMITANCES
Jean-Bernard WEISS
(Paris)
Selon Hugonnier, " une déviation est concomitante lorsque langle ne varie pas, quelques soient les conditions Il est très rare quun strabisme concomitant le soit vraiment. Lusage a imposé ce terme que lon oppose à celui de paralytique, il y a là un abus de langage, concomitant étant un caractère clinique, paralytique précisant une donnée étiologique Le contraire de concomitance est la non-concomitance ou lincomitance, terme qui simplante de plus en plus."
Hugonnier souligne le caractère ambigu du terme incomitance, utilisé tantôt dans un sens clinique, tantôt dans un sens étiologique (non paralytique).
En ne gardant que lacceptation clinique du terme, on peut classer les déviations incomitantes, cest à dire variables, suivant les circonstances de ces variations.
Lincomitance temporelle
Le strabisme varie dun moment à lautre, certaines phories-tropies
rentrent dans ce cadre. Des fluctuations de lattention peuvent expliquer ces
variations.
Lincomitance loin-près
Cest un caractère clinique important, le plus souvent associé à des
phénomènes accommodatifs. Pour certains, lacte chirurgical sera spécifique
(myopexie rétro-équatoriale).
Les incomitances directionnelles
Sans être exhaustif, on peut classer ces incomitances en 5 groupes :
Lincomitance directionnelle des syndromes alphabétiques (Figure 1).
Figure 1 : Syndrome V
Lincomitance directionnelle des paralysies oculomotrices (Figure 2). La déviation augmente dans les directions des champs daction des muscles paralysés, quelque soit lil fixateur.
Figure 2 : Paralysie du Droit externe gauche
Lincomitance directionnelle des syndromes de rétraction et fibroses.
La déviation augmente dans la direction opposée au champ daction des muscles responsables. Ainsi, en cas de syndrome de Brown (non relâchement du muscle grand oblique), la déviation verticale augmente dans le regard en haut et en dedans. (Figure 3)
Figure 3 : Syndrome de Brown gauche
Lorsquil existe une fibrose du muscle droit inférieur, comme parfois dans les syndromes de dysthyroïdies, la déviation augmente dans le regard en haut (Figure 4).
Figure 4 : Fibrose du droit inférieur droit (Basedow)
Les incomitances bidirectionnelles
Les incomitances bidirectionnelles se voient lors du syndrome de Stilling Duane, avec une perte de labduction et une diminution de ladduction de lil atteint (Figure 5).
Figure 5 : Syndrome de Stilling Duane gauche
On les rencontre aussi lors de certaines fractures du plancher de lorbite, avec limitation de lélévation et de labaissement (Figure 6).
Figure 6 : Fracture du plancher de lorbite gauche
Les incomitances globales
On voit de telles incomitances lors des atteintes du III (Figure 6 a).
Figure 6a : Paralysie du III gauche
Les anisophories liées à une anisométropie importante rentrent dans ce cadre, en particulier, en cas de myopie unilatérale forte (Figure 7).
Figure 7 : Syndrome de lil lourd. Myopie forte gauche; correction par
lunettes
Incomitances suivant lil fixateur
De ce cadre, nous excluons les paralysies oculomotrices, qui sont de vraies incomitances directionnelles. Si nous prenons le cas simple dune parésie du droit externe de lil droit, en position primaire, la déviation augmente (Figure 8) quand lil paralysé est fixateur.
Figure 8. Paralysie du droit externe droit La déviation est plus importante quand
lil paralysé fixe en position primaire (Et 30) que quand lil sain
fixe en position primaire (Et 15)
Mais pour une position définie de lil sain, la position de lil paralysé est la même, quelque soit lil fixateur (Figure 9). Il y a pratiquement une correspondance biunivoque entre les positions des deux yeux.
Figure 9. Paralysie du droit externe droit. La déviation est la même, que
lil droit fixe le point A ou que lil gauche fixe le point. Il
ny a pas dincomitance suivant lil fixateur.
Bien différentes sont les 2 classes dincomitance suivant lil fixateur.
La divergence verticale dissociée (D.V.D.)
Elle est associée aux strabismes infantiles précoces; lélément caractéristique
est la déviation vers le haut de lil non fixateur (Figure 10).
Figure 10 : Hyperphorie alternante
Lincomitance horizontale selon lil fixateur
Elle est rare mais elle expose à de grands déboires chirurgicaux quand elle est méconnue (Figure 11). Le mécanisme physiopathologique reste à prouver.
On peut, pour simplifier, lassimiler à une parésie unilatérale de laccommodation.
Un modèle grossier est obtenu en plaçant devant lil droit dun sujet jeune, emmétrope et orthophorique, un verre plan, et du côté gauche un verre concave de-3.00.
En négligeant la légère anisophorie induite par la correction unilatérale, que lon pourrait dailleurs éviter en utilisant une lentille cornéenne de - 3.00 le sujet est orthophorique dans toutes les directions du regard quand il fixe avec son il droit. Par contre, quand il fixe avec lil gauche, il présente une ésophorie notable.
Lobservations suivante montre limportance de reconnaître de telles incomitances horizontales.
GER... Martine OBS 011 42-03-21
Femme âgée de 36 ans consulte pour une diplopie.
Cette patiente avait présenté un strabisme convergent infantile, passé spontanément en divergence vers lâge de 13 ans. La diplopie est apparue progressivement vers 30 ans, avec la réapparition dun strabisme convergent. Elle porte
Lexamen coordimétrique confirme lincomitance selon lil fixateur (Figure 11).
Figure 11 : Observation 11. Incomitance suivant lil fixateur. ODF:Et l5
OGF:Xt 10
La prescription de OD plan OG - 0.75 entraîne la fixation de loin et de près. La patiente retrouve son strabisme divergent et la diplopie disparaît définitivement.
COMMENTAIRES
1) Lincomitance suivant lil fixateur a sans doute toujours existé.
La patiente fixait de loin et de près avec lil gauche, le moins amétrope.
2) Quand lil gauche est devenu myope, la patiente a commencé à fixer au loin avec lil droit; le strabisme convergent a réapparu, et la diplopie sest installée.
3) La correction de la myopie gauche et labsence de correction pour lil droit qui est hypermétrope lont obligée à nouveau à fixer de loin et de près avec son il gauche. Tout est alors rentré dans lordre.
RÉFÉRENCES :
R. & S. HUGONNIER - Strabismes. Ed. Masson, 1976, p. 13
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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)