ÉTUDE CAMPIMÉTRIQUE DES CYCLOTROPIES


Jean-Bernard WEISS
(Paris)

Le facteur torsionnel associé à certains strabismes a une grande importance physiopathologique et clinique. La pseudo-ectopie maculaire (P.E.M.) qui objective une torsion est mise en évidence par ophtalmoscopie, rétinophotographie ou campimétrie. Deux dispositifs campimétriques sont décrits, les résultats obtenus sont comparés à ceux de la littérature.

ÉVALUATION ET MESURE DE LA CYCLOTROPIE
En pratique, très peu de strabologues recherchent une P.E.M. car l’examen objectif n’est pas simple. Il faut disposer soit d’un ophtalmoscope indirect, soit d’un rétinophotographe, soit d’un campimètre.

On se contente de l’examen subjectif et/ou de la recherche des signes moteurs secondaires à la cyclodéviation.

La valeur de l’examen subjectif est limitée par des phénomènes d’adaptation décrits dans le très bon travail de Von Noorden et Guyton (5).

Le plus souvent, on ne tient compte que des signes moteurs secondaires, upshoot et/ou syndromes alphabétiques pour poser les indications opératoires.

En fait, chez le grand enfant ou l’adulte, il est possible de mesurer la cyclotropie en moins de trois minutes au moyen d’un périmètre à diodes. Nous décrirons l’appareil que nous utilisons et donnerons nos premiers résultats.

DISPOSITIF SEMI-AUTOMATIQUE POUR ÉVALUER LA TORSION
Il est constitué par deux séries de 64 diodes électroluminescentes (D.E.L.) situées sur deux arcs de cercle centrés sur un point de fixation (Figure 1). Le sujet regarde le point de fixation et l’examinateur allume l’une des D.E.L. pendant un bref instant. Le sujet doit indiquer s’il perçoit la lumière. L’examen est pratiqué successivement pour chaque œil, l’autre œil étant caché.

La distance d’examen est de 1 mètre. L’espace entre deux diodes consécutives correspond à une rotation de 1 degré autour de l’axe visuel. La tête du sujet prend appui sur une mentonnière. On prend grand soin qu’entre l’examen de l’œil droit et celui de l’œil gauche, le sujet n’incline pas la tête.

 

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Figure 1
: Dispositif semi-automatique.
Deux rangées de 64 diodes sont disposées sur des arcs de cercles centrés sur le point de fixation F

Les distances ont été calculées en sorte que le rayon des arcs de cercle correspondent à la distance moyenne du milieu de la tache aveugle. On devrait ainsi déterminer les limites supérieures et inférieures de la tache aveugle. En fait, l’excentricité de la tache aveugle varie légèrement d’un sujet à l’autre. On obtient une valeur proche de celle du milieu de la tache aveugle en prenant la moyenne de ces deux limites.

La notion de "tête droite" est toute relative. Si lors de l’examen le sujet incline la tête, une erreur est introduite; les taches aveugles sont déplacées l’une en intorsion, l’autre en extorsion. Pour compenser ce type d’erreur, on calcule la moyenne des positions de chaque œil.

RÉSULTATS
Ces résultats sont provisoires (septembre 1988). Nous n’avons examiné que 70 sujets, dont 26 normaux, 24 strabismes (6 syndromes A et 4 syndromes V), et 7 paralysies du grand oblique (3 bilatérales, 4 unilatérales). Pour tous ces sujets, on a pratiqué un examen orthoptique et une recherche de la stéréoscopie avec un test à points aléatoires.

  Valeur moyenne Écart type
70 Total + 05.25 5.50
26 Normaux + 05.25 2.50
24 Strabismes + 04.25 6.50
06 Syndromes A - 03.50 4.60
04 SyndromesV +11.00 5.90
07 Paralysies du grand oblique
04 Unilatérales + 08.00 2.90
03 Bilatérales + 12.00 3.00
13 Autres

En 1984, lnatomi et collaborateurs (6) ont publié une méthode de mesure objective de la rotation du centre de la papille au moyen d’un haploscope controlé par un ordinateur. Pour 55 sujets normaux, la valeur moyenne est de 6 degrés et l’écart type de 2 degrés. Compte tenu d’éventuelles variations inter-raciales, ces valeurs sont analogues à celle trouvées par la méthode présentée ici.

DISPOSITIF MANUEL (CYCLOMÈTRE)
Sous le nom de cyclomètre, nous avons réalisé un dispositif simple mais efficace(Figure 2).

Il comporte un écran plastifié sur lequel sont imprimés des arcs de cercle gradués de degré en degré. Un point de fixation est au centre de la figure. Un pointeur, composé d’une lampe de poche prolongée par un fin cylindre de plexiglas noirci, permet d’éclairer l’écran sur une zone circulaire de 4 mm. Celle lampe est munie d’un interrupteur à pression.

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Figure 2
: Cyclomètre.
Sur un support rigide sont imprimées des graduations axiales. Les arcs de cercles correspondent à des distances d’examen de 50, 75 et 100 cm. L’examinateur déplace l’extrémité lumineuse de la torche le long des arcs de cercle.

Le sujet est situé à une distance comprise entre 50 et 100 cm de l’écran; sa tête, qui doit être sensiblement horizontale, est posée sur une mentonnière.

Pour examiner l’œil droit, on cache l’œil gauche et on demande au sujet de regarder le point de fixation. Puis on déplace l’extrémité de la baguette sur l’arc de cercle correspondant à la distance d’examen, en appuyant d’une manière intermittente sur l’interrupteur. On détermine ainsi, sur l’arc de cercle considéré, les extrémités supérieure et inférieure de la tache aveugle. On note les valeurs correspondantes, et l’on fait la moyenne de ces deux valeurs.

L’examen peut être pratiqué par un orthoptiste, et ne nécessite pas une pièce obscure. Il s’agit, en fait, d’une campimétrie sommaire qui donne, avec une précision de 1 ou 2 degrés, la position du milieu de la tache aveugle. L’examen, pour un sujet coopérant, ne dure que deux ou trois minutes, ce qui est parfaitement acceptable.

BIBLIOGRAPHIE
(1) J.B. Weiss. Ectopies et pseudoectopies maculaires par rotation. Bull. et Mém. S.F.O. T 79,329-349.1966
(2) M. Woillez, Beal et Dercourt. Ectopie de la macula et embryopathie. Bull et Mém. S.F.O. T77, 321,1964
(3) J.B. Weiss. Le syndrome d’Hugonnier. Jour. Fr. Orthoptie T 15,149-161 1983
(4) A. Urretz Zavalia, J. Solares-Zamora, H.R. Omos. Anthropological studies on the nature of cyclovertical squint. Br. J. Ophthalmol. T 45,578. 1961
(5) D.L. Guyton, G.K. von Noorden. Sensory adaptation to cyclodeviation. In Reinecke R.D. (Edit) Strabismus. New York Grune & Stratton 399-403. 1978
(6) A. Inatomi, F. Takahashi, K. Kani. Fundus haploscope and the measurement of cyclodeviation. Reinecke R.D. (Edit) Strabismus il. New York. Grune & Stratton 733738. 1984


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)