LE NÉO CÜPPERISME FRANÇAIS


Jean-Bernard WEISS
(Paris)

"Et, en effet, puisqu’on doit discourir des choses et non pas des mots, et que la plupart des contrariétés viennent de ne se pas entendre, et d’envelopper dans un même mot des choses opposées, il ne faut qu’ôter le voile de l'équivoque et regarder"
(Préface du Tartuffe, citée par Hugonnier en tête d’un chapitre de terminologie.)

Cüppers a marqué profondément la strabologie française durant les 30 dernières années. C’est Charles Thomas qui a fait connaître ses travaux en France.

Telle qu’elle nous est parvenue en France, soit directement, soit par les écrits de divers strabologues, son œuvre peut être scindée en trois volets: les traitements sensoriels, la "Faden opération" et le concept de "nystagmus bloqué".

Le traitement de l’amblyopie par euthyscopie et celui de la correspondance rétinienne avec les post-images et les houppes de Haidinger ne sont plus pratiqués que par exception.

A l’inverse, la myopexie rétroéquatoriale (terme introduit par Deller pour remplacer celui d’ "opération du fil") est une technique qui, après certains tâtonnements initiaux bien compréhensibles, garde des indications spécifiques.

Le concept de "nystagmus bloqué", repris aveuglément par la majorité des strabologues français, a eu son apogée lors de la réunion de l’Association Française des Orthoptistes tenue à Nantes en octobre 1977. Selon ces auteurs, de 60 à 90 % des strabismes auraient été des "nystagmus bloqués". Ce qui revenait à remplacer le terme de strabisme par celui de nystagmus bloqué; l’utilité d’un tel transfert de terme n’a jamais été démontée. Par contre, parler de blocage du "blocage" ou décréter que certaines hypertropies sont des manifestations du "syndrome de blocage" n’a fait qu’obscurcir la discussion.

Curieusement c’est un strabologue français, Annette Spielmann, qui a le mieux compris l’apport de Cüppers; elle a su en dégager l’essentiel et en reconstruire les bases théoriques.

Elle a utilisé extensivement la myopexie rétroéquatoriale, puisqu’en 1986 elle pouvait présenter une statistique personnelle portant sur 4031 cas de strabismes opérés suivant cette technique. Elle en a ensuite progressivement précisé les indications.

Parallèlement, elle s’est dégagée du concept de nystagmus bloqué pour chercher à définir l’angle minimum, justiciable d’une chirurgie classique, et la déviation spastique surajoutée, à laquelle s’adresse électivement la myopexie rétroéquatoriale.

Pour Spielmann, les indications de la myopexie rétroéquatoriale sont précises.

L’indication majeure en est le strabisme convergent avec excès de convergence, c’est à dire les strabismes dont l’angle de loin est minime, mais dont l’angle de près est important.

Une autre indication en est le strabisme précoce, avec fixation croisée en adduction et torticolis (syndrome de pseudo paralysie des 2 VI).

La myopexie rétroéquatoriale est également intéressante en cas de strabisme accommodatif, si l’on veut que le patient puisse conserver les yeux droits en ôtant ses lunettes occasionnellement (enfant qui va à la piscine).

En cas de paralysie oculomotrice, une myopexie rétroéquatoriale pratiquée sur le muscle synergique croisé du muscle paralysé permet de rétablir un certain degré de concomitance.

Il existe d’autres indications, plus rares, comme pour certains cas de divergence verticale dissociée, ou dans les strabismes divergents associés à une amblyopie profonde.

L’écran translucide de Spielmann, outil destiné à remplacer définitivement le classique écran opaque, permet une analyse fine des déviations dissociées. Placé sur les deux yeux, il révèle souvent la part spastique d’une déviation.

BIBLIOGRAPHIE :
A. Spielmann : Un écran translucide. Conférence C.E.R.E.S. février 1985. Fondation Ophtalmologique A. de Rothschild.
A. Spielmann : Bilan de 12 années de Fadenopération. Bull. Mém. Soc. Fr Ophtalmot, 1986, 97, 333-337..


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)