TRAITEMENT PAR CORRECTION UNILATÉRALE DE L’ŒIL AMBLYOPE


Jean-Bernard WEISS
(Paris)

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Avantages du traitement par correction unilatérale
Les avantages du traitement de l’amblyopie par correction unilatérale de l’œil amblyope sont certains. Le traitement est simple, Il nécessite très peu de visites de contrôle, et peut être poursuivi pendant des années sans risque d’amblyopie Inverse et sans désagrément pour l’enfant.

Le principe en est simple: l’œil amblyope est corrigé en totalité et l’œil sain n’est pas corrigé. Quand l’enfant porte sa correction, il se sert uniquement de son œil amblyope; par contre sans lunettes, il fixe avec l’œil sain. Le fait de porter ses lunettes ne le pénalise pas; bien au contraire, il voit mieux de son œil amblyope corrigé en totalité que de son œil sain, non corrigé.

Le risque d’une amblyopie inverse est nul, puisque plusieurs fois par jour l’enfant retire ses lunettes et reprend donc la fixation de son œil sain.

Pour peu que l’amétropie de l’œil sain soit importante, l’anisométropie artificielle induite par cette correction asymétrique diminue la diplopie sous jacente à tout strabisme, et donc les phénomènes moteurs spastiques ont tendance à disparaître. Dans bon nombre de cas, ce flou de l’image centrale de l’œil non corrigé entraîne une diminution de l’angle du strabisme.

Par contre, cette défocalisation n’entrave pas la fusion périphérique, comme le ferait une sectorisation ou une occlusion permanente ou alternée. Et une association binoculaire périphérique peut s’établir si l’angle du strabisme est modéré.

Conditions de réussite
Pour que le traitement soit efficace, il faut que l’enfant, muni de sa correction unilatérale, fixe avec l’œil amblyope. On doit donc avoir :

CONFORT de l’œil amblyope corrigé > CONFORT de l’œil sain non corrigé
ACUITÉ VISUELLE de l’œil amblyope corrigé > ACUITÉ VISUELLE de l’œil sain non corrigé

Deux facteurs entrent en jeu, la profondeur de l’amblyopie et l’amétropie de l’œil sain.

Par exemple, si l’on a V.O.D. +6.00 10/10 et V.O.G. +6.00 6/10

Il est certain que la prescription de O.D. plan entraînera la fixation de l’œil gauche OG +6.00

Parcontre, si l’on a V.O.D. +2.00 10/10 et V.O.G. +2.00 4/10

Il est certain que la prescription de OD plan n’entraînera pas la fixation de l’œil gauche OG +2.00

Dans le cas suivant : V.O.D. +9.00 10/10 et V.O.G. +9.00 1/10 avec fixation instable,

Il n’est pas sûr que la prescription de O.D. plan entraîne la fixation de l’œil gauche, même de près OG +9.00

Par contre, il est certain que si, dans ce cas, l’on s’obstine à vouloir appliquer le traitement par correction unilatérale, si le changement d’œil fixateur n’est pas obtenu, on portera un préjudice notable à cet enfant.

Les avantages de cette méthode sont suffisamment importants pour qu’elle soit essayée, de préférence à l’occlusion permanente, dans tous les cas où elle a une chance de réussir.

Explications données aux parents
Les explications qui doivent être fournies aux parents sont relativement simples. La méthode leur sera décrite, en insistant sur sa simplicité, ses avantages, mais aussi ses limites. Ils seront prévenus de la nécessité de contrôles rapprochés au début du traitement, ainsi que du recours éventuel à l’atropinisation de l’œil sain, voire de la possibilité d’une occlusion permanente.

On évitera ainsi toute surprise aux parents. On évite aussi qu’un confrère non averti ne s’étonne de l’absence de correction de l’œil sain et ne change involontairement le traitement.

Premier contrôle
Le premier contrôle sera effectué une semaine après le début du traitement.

Si l’enfant fixe avec son œil amblyope, la partie est gagnée d’emblée; les contrôles suivants seront très espacés.

Si l’enfant ne fixe pas avec son œil amblyope, la méthode est insuffisante. Un essai d’atropinisation de l’œil sain sera effectué. Si celui-ci se solde également par un échec, on aura recours à l’occlusion permanente de l’œil sain. Ainsi, on n’aura perdu que 15 jours, sans trop gêner l’enfant.

À l’inverse du traitement par occlusion permanente, qui est massif d’emblée, puis dégressif, le traitement par correction unilatérale est progressif.

On commence par la correction unilatérale de l’œil amblyope puis, en cas d’échec on ajoute I’atropinisation de l’œil sain.

En cas de nouvel échec, on se résout à pratiquer une occlusion permanente de l’œil sain qui reste le traitement le plus efficace.

Le cas idéal

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Dès le premier contrôle l’enfant fixe avec l’œil amblyope muni de sa correction. Si l’on retire les lunettes, il reprend la fixation avec l’œil sain. Il n’y a donc aucun risque d’amblyopie Inverse.

On a donc l’état suivant

AVEC CORRECTION ŒIL AMBLYOPE FIXATEUR

SANS CORRECTION ŒIL SAIN FIXATEUR

Par surcroît de précaution, on fait constater cet équilibre aux parents, en leur demandant de vérifier périodiquement que cet état se maintient.

Il suffit alors de contrôler l’enfant au bout de 3 à 6 mois, puis une fois par an, en vérifiant que la correction de l’œil amblyope ne soit pas devenue trop forte, ce qui entraînerait un changement d’œil fixateur en vision au loin.

Ce n’est qu’au bout de deux ou plusieurs années que la correction de l’œil sain sera donnée, soit progressivement, soit d’emblée en totalité.

Atropinisation
Si lors du premier contrôle, l’enfant continue à fixer avec son œil sain non corrigé, avant de recourir à l’occlusion permanente de l’œil sain, on fera un essai d’atropinisation de cet œil. Mais il s’agit alors d’un traitement agressif, qui doit être contrôlé avec soin. En effet l’atropinisation peut être insuffisante à provoquer le changement d’œil fixateur; et l’utilisation permanente d’un œil atropinisé et non corrigé gène l’enfant et peut aboutir à une amblyopie définitive de l’œil sain.

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Le changement d’œil fixateur, s’il est possible, se produit en moins de huit jours. il faut donc revoir l’enfant une semaine après le début de l’atropinisation. Les parents doivent être prévenus de l’importance de ce bilan.

Si le changement d’œil fixateur n’est pas réalisé au bout d’une semaine, il faut passer directement à l’occlusion permanente de l’œil sain.

Dans les cas favorables, l’œil sain non corrigé et atropinisé perd la fixation quand l’enfant porte ses lunettes. L’atropinisation sera alors poursuivie pendant 1 mois et l’on examinera l’enfant 15 jours après l’arrêt de l’atropinisation.

On déterminera alors quel est l’œil fixateur. Si l’on a :

AVEC CORRECTION ŒIL AMBLYOPE FIXATEUR

SANS CORRECTION ŒIL SAIN FIXATEUR

on est reporté au cas "idéal". Par sécurité, un nouveau contrôle sera effectué au bout d’un mois, avant d’espacer les visites.

Si l’on a :

AVEC CORRECTION ŒIL SAIN FIXATEUR

SANS CORRECTION ŒIL SAIN FIXATEUR

Il faut recommencer pendant 1 mois l’atropinisation. Si l’on a :

AVEC CORRECTION ŒIL AMBLYOPE FIXATEUR

SANS CORRECTION ŒIL AMBLYOPE FIXATEUR

il y a inversion de la dominance. Cette éventualité est exceptionnelle et nous n avons jamais vu d’inversion de dominance après un mois d’atropinisation.

Il faut vérifier l’acuité visuelle de l’œil sain avec sa correction exacte. Et si cet œil est devenu amblyope, traiter l’amblyopie inverse soit par une occlusion permanente de l’œil primitivement amblyope, soit par une inversion de la correction unilatérale en prescrivant

ŒIL PRIMITIVEMENT AMBLYOPE PLAN

ŒIL PRIMITIVEMENT SAIN CORRECTION TOTALE

Recours à l’occlusion permanente
En cas d’échec de la correction unilatérale de l’œil amblyope avec atropinisation de l’œil sain, il faut recourir à l’occlusion permanente de l’œil sain.

Cette occlusion permanente sera arrêtée dès que l’acuité visuelle de l’œil amblyope sera suffisante pour que le traitement par correction unilatérale de l’œil amblyope et atropinisation de l’œil sain ait des chances de réussite.

Dans de rares cas, même le traitement par occlusion permanente de l’œil sain se solde par un échec. Il faut alors abandonner tout espoir de guérison de l’amblyopie.

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Place du traitement par "concave atropine"

Quand l’hypermétropie de l’œil sain est modérée, il est tentant de prescrire pour l’œil sain un verre négatif au lieu d’un verre plan.

Ainsi si l’on a : V.O.D. +2.00 10/10 et V.O.G. +2.00 3/10

il parait logique de prescrire OD -4.00 et OG +2.00

Mais dans ce cas, il s’agit d’une vraie "pénalisation", l’enfant est agressé, ses lunettes le gênent et il trouve très aisément la parade en les enlevant.

L’enfant étant perpétuellement tenté d’enlever ses lunettes, il entre dans une période de conflits avec ses parents. Le traitement est mal ou peu suivi, et la guérison est peu sûre et peu rapide.

Nous avons abandonné cette méthode qui ne peut convenir qu’aux enfants très obéissants et dont l’amblyopie n’est pas profonde.


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)