ENQUÊTE EFFECTUÉE AUPRÈS DE 310 PATIENTS OPÉRÉS DE STRABISME SOUS ANESTHÉSIE DE CONTACT


Jean-Bernard WEISS, M-L. THIOLLET, S. RIGOLOT, Elisabeth MULLER-FEUGA, Martine MUNCK, K. BRANDENBURG & H. ZOUAOUI
(Paris)

Entre le 1er janvier 1980 et le 15 juillet 1989, nous avons opéré de strabisme 314 patients avec une anesthésie de contact obtenue par des instillations d’un collyre de Novésine à 0.4 % dans les deux yeux. Pour 47 cas, opérés entre 1985 et 1986, cette anesthésie de contact a été complétée par une prémédication légère.

L’absence d’anesthésie générale, le contrôle permanent en cours d’opération et les réglages peropératoires nous ont paru des avantages suffisants pour utiliser systématiquement cette technique lors des opérations de strabisme chez les patients âgés de plus de 18 ans. Ainsi, depuis trois ans, nous n’avons opéré que deux adultes sous anesthésie générale. Le plus jeune de nos patients opéré sous anesthésie de contact n’était âgé que de 10 ans.

L’inconfort des patients, l’insécurité de l’opérateur qui craint de faire mal à l’opéré et l’allongement de la durée des opérations sont les principaux inconvénients de celle technique.

Pour mieux comprendre les réactions de nos patients, nous leur avons adressé par la poste un questionnaire; les résultats de cette enquête nous ont surpris.

Le questionnaire
Ce questionnaire, établi par des orthoptistes dont certaines ont assisté aux interventions, est imprimé recto-verso et comporte 17 questions. Sur la première page figurent les questions 1 à 9; au verso il y a les questions 10 à 17 et un endroit réservé aux commentaires. Ce questionnaire respecte l’anonymat. En particulier ni le nom, l’âge ou le sexe des patients n’est demandé. Ce choix, décidé pour éviter toute réticence des patients, ne nous a pas permis de faire une corrélation entre les réponses à ce questionnaire et le type d’opération pratiqué.

Le questionnaire était accompagné d’une courte lettre d’explication et d’une enveloppe timbrée pour le renvoi. Les adresses d’envoi étaient celles figurant sur le dossier médical; pour les patients étrangers, cette adresse était donc celle de leur lieu de résidence en France, forcément transitoire.

Retour du questionnaire
Ce questionnaire a été adressé aux 310 premiers patients opérés. Deux mois après l’envoi, il y avait 210 réponses, mais 37 lettres nous ont été retournées par l’administration postale pour fausse adresse. On peut admettre donc qu’au mieux 273 lettres ont été reçues par leur destinataire, ce qui donne un taux de réponse d’au moins 75 %.

Parmi ces 210 patients, 7 n’ont répondu à aucune question de la page 2, ce qui laisse supposer qu’ils n’avaient pas retourné la première page. Dans l’ensemble, ces questionnaires sont correctement remplis; souvent les patients ont ajouté des commentaires, en règle très favorables à cette technique; et certains sont sortis de l’anonymat en inscrivant leur nom.

Questions et réponses

Question 1. Avez vous été surpris par le type même de l’opération (sous anesthésie locale)?

oui

non

non répondu

121

87

2

Il est remarquable que 87 patients, soit 41 % ne soient pas surpris par la technique de l’anesthésie de contact.

Question 2. Auriez-vous préféré être opéré le jour même de la proposition ?

oui

non

non répondu

opéré le même jour

65

126

7

12

Une opération immédiate évite au patient hésitant ou craintif l’angoisse du choix ou de l’attente. C’est ainsi que nous avons opéré plus de 10 patients le jour même de leur première visite. Faute de souplesse dans l’accès aux salles de chirurgie, nous n’avons pu le proposer qu’exceptionnellement; pas moins de 65 patients (30 %) auraient aimé pouvoir profiter d’une telle possibilité, ce qui nous confirme l’intérêt de la méthode.

Question 3. Le type de l’intervention vous est-il suffisamment expliqué?

oui

non

non répondu

149

57

4

Malgré nos efforts, les explications données semblent être insuffisantes pour 27 % de nos patients.

Question 4. Avez eu mal pendant l’opération ?

oui

non

non répondu

74

135

1

L’opération semble avoir été indolore pour 64 % de nos patients. Cette notion de douleur est subjective et non mesurable. D’autre part, certains patients avaient déjà été opérés une ou plusieurs fois de strabisme.

Question 5. Cela vous a-t-il paru long ?

oui

non

non répondu

74

131

5

Il faut préciser que certaines opérations ont duré plus d’une heure, tandis que d’autres ont été terminées en 15 minutes.

Question 6. Auriez-vous préféré que l’œil non opéré soit caché ?

oui

non

non répondu

36

155

19

Au début, nous avions envisagé de cacher l’œil non opéré, pour éviter à l’opéré de deviner les gestes de l’opérateur; nous y avons renoncé, de crainte de produire une sensation de claustrophobie.

Les seuls patients qui peuvent être impressionnés sont les grands myopes présentant un strabisme convergent; l’œil non opéré peut voir les instruments s’approcher si le champ opératoire n’est pas bien fixé au pourtour de l’orbite de l’œil opéré.

Question 7. Les réglages effectués assis vous ont-ils gêné ?

oui

non

non répondu

15

175

20

Lors de certaines opérations, il y a eu plusieurs réglages dont certains effectués en position assise, tandis que pour d’autres aucun réglage n’a été effectué, le résultat semblant d’emblée satisfaisant.

Question 8. Avez-vous été gêné par le bruit ?

oui

non

non répondu

20

189

1

Lors de ces opérations, nous essayons d’éviter les bruits et les conversations inutiles pour ne pas déconcentrer le patient. Par contre, le chirurgien et son aide se parlent sans restriction, en commentant éventuellement le déroulement de l’opération.

Dans certains cas, nous réduisons au minimum le dialogue avec l’opéré; dans d’autres cas, l’aide ou le chirurgien conversent avec lui, en partie pour détourner son angoisse.

Question 9. L’apport d’oxygène vous a-t-il rassuré ou aidé ?

oui

non

non répondu

91

35

84

L’apport d’oxygène au moyen d’un tube placé près du nez du patient est presque systématique; celle procédure laisse les patients relativement indifférents.

 Les 210 patients ont lu et répondu à ces 9 premières questions qui figuraient en première page. Les 8 questions suivantes n’ont été probablement lues que par 203 patients qui ont retourné le questionnaire. En effet, il y a 7 questionnaires sur lesquels il n’y a aucune réponse pour ces 8 dernières questions. Nous n’avons donc pas tenu compte de ces 7 questionnaires pour ce qui suit.

Question 10. Avez-vous déjà été chez le dentiste ?

oui

non

non répondu

200

3

0

Question 1l. Si l’on vous a arraché ou soigné une dent, préférez-vous cette douleur ou celle durant l’intervention de votre strabisme?

Dentiste

opération

non répondu

47

119

37

L’évaluation de la douleur, même par comparaison, est difficile, puisque 37 patients, soit 18 %, ne répondent pas. Il est à noter que parmi ceux qui ont répondu, 71 % ont moins souffert que chez le dentiste.

Question 12. Avez-vous été surpris par le déroulement de l’opération ?

oui

non

non répondu

96

105

2

Il eut été intéressant de demander ce qui avait provoqué cet étonnement.

Question 13. Etes vous satisfait du résultat ?

oui

moyennement

insatisfait

non répondu

136

55

10

2

Parmi ces opérés certains avaient déjà été opérés une ou plusieurs fois ailleurs; pour d’autres l’espoir d’amélioration était faible. Ce taux d’échec est inférieur à celui que nous avions obtenu par l’analyse des dossiers correspondants.

Il semble donc que le jugement des patients soit plus favorable que celui des chirurgiens.

Question 14. Après combien de jours avez-vous repris votre travail?

1j

3j

8j et plus

retraité

non répondu

59

35

89

9

31

Il est remarquable que pour les 183 patients qui ont répondu, 59 (32 %) ont repris le travail le lendemain, et que 94 (51 %) l’ont repris au bout de trois jours au plus. Ceci est un argument supplémentaire en faveur de cette technique.

Question 15. Après l’opération, auriez-vous préféré rester à l’hôpital?

oui

non

non répondu

35

165

3

Certains patients habitant la province ou l’étranger auraient préféré être hospitalisés, pour éviter le déplacement occasionné par la visite de contrôle effectuée deux jours après l’opération.

Question 16. Si vous deviez subir une nouvelle opération, accepterez-vous ce même type d’opération?

oui

non

non répondu

185

13

5

Au moins 91 % des patients accepteraient d’être opérés à nouveau sous anesthésie de contact.

Question 17. Le conseilleriez-vous à quelqu’un de votre entourage qui aurait le même problème?

oui

non

non répondu

191

9

3

Et plus de 94 % le conseillerait à un proche. C’est dire l’acceptation de cette technique.

Pertinence des questions
Le taux de retour du questionnaire qui a atteint 75% nous a paru élevé, d’autant plus que les premières opérations remontent à plusieurs années et que certains patients étaient relativement âgés lors de l’opération.

L’oubli d’un "T.S.V.P." en page 1 nous a privé de 7 questionnaires pour les 8 dernières questions.

La pertinence des questions est très variable; le taux de réponses est différent suivant les questions.

il y a 5 questions pour lesquelles les abstentions varient entre 19 et 84 (entre 9 et 40 %). Ces questions concernent la longueur de l’opération (06), la gêne occasionnée par les réglages (07), le délai de reprise du travail (014), la comparaison entre douleur provoquée par l’opération et par le dentiste (011), et l’aide apportée par l’oxygène (09). Le taux élevé d’abstention s’explique en partie par l’indifférence des patients aux questions posées ou parce qu’ils ne se sont pas sentis concernés. La comparaison entre douleur provoquée par l’opération ou par un dentiste, que nous pensions être facile, ne l’était sans doute pas.

Les taux de réponse aux autres questions sont très satisfaisants, s’étageant entre 97 et 100 %. Ces taux aussi élevés montrent que les patients ont participé sérieusement à cette enquête.

Commentaires ajoutés par les patients
L’analyse de ces commentaires est impossible. Les critiques sont exceptionnelles. Les suggestions de détails sont pertinentes, et nous tiendrons compte de certaines à l’avenir. Les remerciements sont nombreux; parfois une page n’est pas suffisante au patient pour exprimer son enthousiasme.

Beaucoup de patients ont rompu l’anonymat en signant ou en inscrivant leur nom sur le questionnaire.

Conclusion
Les remerciements des patients et surtout les réponses aux questions 18 et 19 nous confortent à conserver et à améliorer celle technique.

Que ceux qui ont répondu à celle enquête trouvent ici nos remerciements.


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)