CYCLOMÈTRE BI-OCULAIRE
Gian-Paolo GRACIS
(Turin)
Lanalyse de la littérature sur les méthodes de mesures de la torsion fait ressortir un certain nombre dincertitudes.
Cest, peut-être à cause de ces incertitudes que lintérêt pour la mesure de la torsion sest porté sur des méthodes dites "objectives" (rétinographie, périmétrie) (1,2,3,4,5) qui semblent offrir une plus grande fiabilité, même si le recours à des méthodes subjectives (6,7,8) reste répandu, surtout parmi les chirurgiens, et bien que des discordances aient été constatées entre méthodes subjectives et objectives.
Mises à part toutes ces critiques qui exigeraient un trop long développement, ces différentes méthodes mesurent la torsion de lil fixateur.
Ces mesures savèrent être en pratique strabologique les seules mesures dun angle de déviation qui ne prennent pas en considération la position de lil controlatéral.
Pour accepter cela, il faudrait oublier les conditions habituelles sur lesquelles se basent les mesures des déviations horizontales et verticales.
Dans le but de rechercher une nouvelle voie qui respecte les conditions et méthodes acquises pour les mesures verticales et horizontales, qui respecte le rôle de la dominance oculaire en cas de paralysie avec cyclodéviation, nous avons mis au point un appareil, dérivé du "cyclomètre" de Weiss (9,10), appelé cyclomètre bi-oculaire.
Description de lappareil
Le cyclomètre bi-oculaire est un appareil électronique qui sert à mesurer la
torsion (Figure 1). Il utilise la méthode périmétrique pour déterminer la position de
la tache aveugle, de lil fixateur et de lil dévié.
La position de la papille par rapport à la macula (pour lil fixateur et lil dominé) est calculée par la moyenne des limites supérieure (+) et inférieure (-) de la tache aveugle.
Lappareil est constitué dun cylindre de 60 cm de long et 50 cm de diamètre qui présente sur son fond deux arcs de cercles de diodes vertes (1 diode pour 1 degré ) au nombre de 80 pour chaque il, commandées par un circuit électronique. Lorsquune diode séteint, la diode suivante sallume en même temps, ceci afin de garder une luminance constante.
Figure 1 : Le cyclomètre bi-oculaire
Une mentonnière mobile permet de centrer lil examiné.
Il y a trois points de fixation, constitués par des diodes clignotantes qui peuvent être allumées une ou deux à la fois, et dont on peut faire varier la luminance et la fréquence de clignotement.
Le premier point de fixation est à lintérieur de lobjectif, au fond de lappareil, et il sert pour la mesure de la torsion directe (mesure de la torsion de lil droit quand lil droit est fixateur, et inversement pour lil gauche).
Les deux autres points de fixation sont placés sur les cotés du cylindre, à droite et à gauche, et peuvent être vus et fixés à laide dun miroir mobile, commandé électriquement par lexaminateur, qui compense une éventuelle déviation horizontale et/ou verticale associée (Figure 2).
Lexacte compensation dune déviation verticale et/ou horizontale associée est vérifiée par un cover-test, sous le contrôle direct de lexaminateur placé derrière lobjectif; cet objectif sert aussi au contrôle de la position de lil durant tout lexamen.
Les deux points latéraux de fixation sont utilisés lors de la mesure de la torsion indirecte (mesure de la torsion de lil gauche quand lil droit fixe le point de fixation droit, et inversement).
Figure 2 : Les trois points de fixation. La diode centrale est dans laxe de
lappareil. Les deux autres sont latérales; leur déplacement apparent est réalisé
à laide de miroirs
Lors de la mesure de la torsion indirecte, un filtre rouge peut être ajouté devant lil fixateur pour diminuer les phénomènes de neutralisation.
Avec le cyclomètre bi-oculaire, on peut exécuter en position primaire les mesures suivantes, les deux yeux étant ouverts :
ODF |
Mesure de la torsion de l'OD (torsion directe de l'OD) |
Mesure de la torsion de l'OG (torsion indirecte de l'OG) | |
OGF |
Mesure de la torsion de l'OG (torsion directe de l'OG) |
Mesure de la torsion de l'OD (torsion indirecte de l'OD) |
Le principal avantage de cet appareil, mis à part sa précision qui est de i degré (Figure 3), est de mesurer la valeur exacte de la torsion de lil fixateur ainsi que celle de lil non fixateur; et donc de donner une mesure de la torsion dans la vie réelle.
Résultats
Lanalyse de la littérature montre une faible dispersion des résultats. La
valeur moyenne varie, suivant les auteurs, de 5 à 7 degrés (Figure 3).
Nos résultats
Les résultats obtenus sur 37 sujets normaux ne montrent pas de différence
significative entre la torsion directe et la torsion indirecte (Figure 4), ni entre
lil fixateur et lil non fixateur (Figure 5).
Figure 3 : Rotation de la papille. Principaux résultats de la littérature, obtenus
avec différentes méthodes
Figure 4 : Mesures sur 37 sujets normaux (74 yeux)
Figure 5 : Résultat sur 37 sujets normaux (74 yeux)
Le cas présenté dans la figure 6 est celui dun sujet normal.
Dans les figures 7 à 10, 4 cas pathologiques sont présentés, avec, pour tous, une parésie du muscle grand oblique.
Remarques
Pour linterprétation des résultats, il faut considérer le sujet de face, les
flèches indiquant le degré de torsion par rapport à lhorizontale (0°). Une
rotation de la tache aveugle moyenne de 6,5° a été retrouvée sur notre
échantillon de sujets normaux.
Les aires triangulaires en noires représentent graphiquement une extorsion moyenne physiologique de 6,5° +/- 2 écarts types.
Pour les sujets pathologiques, les résultats varient et nous ne pouvons encore tirer de conclusions définitives.
Nous navons examiné que des paralysies congénitales du IV. Nous avons retrouvé des différences assez importantes de torsion (directe et indirecte) quand lil sain est lil dominant dans la vie courante. Ces différences sont dues à une augmentation de lextorsion directe et indirecte si lil paralysé est fixateur (cyclodéviation secondaire), et à une diminution de lextorsion directe et indirecte quand lil sain est fixateur (cyclodéviation primaire) (Figures 7 et 8).
Au contraire, quand lil paralysé est lil dominant dans la vie courante, les valeurs de la torsion directe et indirecte restent assez constantes (Figures 9 et 10).
Figure 6
Figure 7
Figure 8
Figure 9
Figure 10
Références
1) Bixemann W.W., von Noorden G.K. : Apparent foveal displacement n
normal subjects and in cyclotropia. Ophtalmol. , 89, 58-62, 1982
2) Levine M.H., Zahoruk R.M. : Disk-macula relationship in diagnosis of
vertical muscle paresis. Am. J. Ophthalmol. 61, 262-265, 1972.
3) Olivier P., von Noorden G.K. : Excyclotropia of the non paretic eye in
unilateral superior oblique paralisis. Am. j. Ophthalmol.. 93, 30-33, 1982.
4) von Noorden G.K. : Clinical observations in cyclodeviation. Ophtalmol.
86, 1451-1461, 1979.
5) Lasorella G., Zecchini M., Bartolomei A. : Étude du
déplacement de la tache aveugle dans lhypofonction de loblique supérieur
avec lutilisation de la périmétrie computérisée. J. Franç.
dOrthoptique 22,161-170, 1989.
6) Kolling OH., Kaufmann H. Operation on both oblique muscles of the
palsied eye in cases of acquired unilateral trochlear palsy. Transaction 16 th Meeting
E.S.A. Giessen 1987. Ed H. Kautmann.
7) Spielmann A. : Les strabismes. 2e édit. Masson, Paris 1990.
8) Fells P. : Management ot paralytic strabismus. Brit. J. Ophthalmol. 58,
255-265, 1974.
9) Weiss J-B. : Mode demploi du cyclomètre. Acta Strabologica. Varia
III, 63, 1988.
10) Weiss J-B. : Étude campimétrique des cyclotropies. Acta Strabologica.,
Varia IV, 45, 1989.
11) Gracis G.P., Felletti M. : Le bi-ocular-cyclometer (Un nouvel
instrument de mesure de la torsion) J. Franç. dOrthoptique 1992 (sous presse).
(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)