LES ANOMALIES PUPILLAIRES EN NEURO-OPHTALMOLOGIE


Laurent LALOUM
(Paris)

RAPPEL ANATOMIQUE

Afférences: les fibres pupillaires
Cônes et bâtonnets sont les récepteurs.

Les influx destinés à la pupille sont portés par les fibres visuelles (cellules bipolaires, cellules ganglionnaires, chiasma,...) jusqu’à l’abord du corps genouillé externe, avant lequel (donc sans relais) les fibres visuelles se ramifient et envoient des fibres pupillaires qui passent dans le bras conjonctival antérieur (qui relie le corps genouillé externe au colliculus supérieur), et se terminent dans le noyau prétectal, en avant du colliculus supérieur.

La décussation partielle explique le réflexe photomoteur consensuel.

Efférences
Parasympathique le III
Origine: les noyaux d’Edinger-Westphal et les noyaux médians antérieurs.

Ce sont des noyaux pairs et para-médians.

De ces noyaux part le premier neurone, pré-ganglionnaire, en situation superficielle dans le III, ce qui explique:

Il fait synapse avec le second neurone, post-ganglionnaire, dans le ganglion ciliaire. Ce neurone va au sphincter irien avec les nerfs ciliaires courts.

Sympathique
Origine : l’hypothalamus.

Le premier neurone, central, fait synapse avec le deuxième neurone, pré-ganglionnaire, dans le centre cilio-spinal de Budge (étagé dans la moelle de C8 à 12). Ce neurone traverse les ganglions cervicaux inférieur (stellaire) et moyen, et fait synapse avec le troisième neurone, post-ganglionnaire, dans le ganglion cervical supérieur (situé entre jugulaire interne et carotide interne).

Ce neurone accompagne la carotide interne au cou, se joint sur un court trajet au VI, puis à l’ophtalmique au niveau du ganglion de Gasser. Les fibres sympathiques sont en rapport avec les trois nerfs oculomoteurs dans le sinus caverneux. Elles entrent dans l’orbite par le nerf naso-ciliaire, et vont innerver le dilatateur irien par les nerfs ciliaires longs. Elles traversent le ganglion ciliaire sans y faire relais.

EXAMEN DES PUPILLES
- Taille :

- Réflexes photomoteurs (RPM) des 2 yeux et œil par œil.

- Aspect des pupilles : rondes ou irrégulières, centrées ou non.

En cas d’anomalie, il faut :

DÉFICIT DES AFFÉRENCES PUPILLAIRES (AFFERENT PUPILLARY DEFECT)
En cas de déficit complet bilatéral (s’accompagnant toujours alors d’une cécité bilatérale), les deux pupilles sont en mydriase aréflexique.

En cas de déficit bilatéral partiel parfaitement symétrique, le jeu pupillaire peut paraître normal.

Le cas le plus intéressant et le plus fréquent est le déficit partiel uni- ou bilatéral mais asymétrique. Dans ce cas, on observe le signe de Gunn.

Ce signe se recherche en éclairant le sujet de face, avec une source lumineuse éclairant symétriquement les deux yeux. Un écran opaque cache l’œil du côté de la pupille de Gunn. On fait passer rapidement cet écran de l’autre côté. On voit alors la pupille que l’on vient de démasquer se dilater. Ceci revient à dire que du côté atteint (ou le plus atteint), le réflexe photomoteur direct donne une moins bonne contraction que le consensuel.

DEUX REMARQUES :

ANISOCORIES
Anisocorie = différence des diamètres pupillaires supérieure à 0,3 mm.

Les étiologies purement oculaires (contusion, uvéite, glaucome aigu, ...) diagnostiquées facilement lors de l’examen ophtalmologique standard, ne sont pas prises en compte ici.

QUELLE EST LA PUPILLE PATHOLOGIQUE ?

Anisocorie majorée en éclairage

FORT = la pupille pathologique est la plus grande (mauvaise contraction de la pupille pathologique),

FAIBLE = la pupille pathologique est la plus petite (mauvais relâchement de la pupille pathologique).

3 POSSIBILITÉS :

I) RPM normaux : il s’agit soit d’une anisocorie physiologique soit d’un syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH).

Il) Mauvais RPM de la grande pupille : il s’agit soit d’une pupille d’Adie, soit d’une paralysie du III intrinsèque, soit d’une mydriase médicamenteuse soit d’un Pourfour du Petit.

III) Mauvais RPM de la petite pupille : il s’agit soit d’un Argyl-Robertson, soit d’une pupille d’Adie vieillie, soit d’un myosis médicamenteux.

I) RPM NORMAUX
A) CONFIRMER UN SYNDROME DE CLAUDE BERNARD-HORNER :
Si l’anisocorie est franche et associée à un ptôsis, le diagnostic est facile.

Sinon, en cas de doute sur l’existence d’un syndrome de Claude BernardHorner, il faut instiller dans chaque œil 1 goutte de collyre à la cocaïne à 5 ou 10%, et regarder l’évolution des diamètres pupillaires. La cocaïne provoque une mydriase de la pupille normale, et n’a pas ou peu d’action sur la pupille en cas de Claude Bernard-Horner.

LA COCAINE MAJORE L’ANISOCORIE EN CAS DE CLAUDE BERNARDHORNER.

En effet, la cocaïne agit en inhibant le recaptage de la norépinéphrine au niveau de la terminaison nerveuse du troisième neurone sympathique. La norépinéphrine n’étant pas recaptée a ainsi une action prolongée, donc plus efficace. En cas d’atteinte du sympathique, il n’y a pas ou peu de norépinéphrine libérée, et la cocaïne n’a pas ou peu d’effets.

B) LOCALISER LA LÉSION EN CAS DE C.B-H :

1) ÉPREUVE À LA PARÉDRINE:
La parédrine provoque la libération de la norépinéphrine contenue dans la terminaison du troisième neurone, et provoque ainsi une dilatation pupillaire.

Donc, si le neurone atteint est le troisième, la parédrine n’a aucun effet. La méthode est analogue à celle du test à la cocaïne : si l’anisocorie est accentuée, le neurone sympathique atteint est le troisième si les deux pupilles se dilatent, c’est le premier ou le second.

La fiabilité de ce test n’est pas absolue, et la parédrine est encore plus difficile à obtenir en France que la cocaïne.

2) ÉPREUVE À L’ÉPINÉPHRINE DILUÉE
Elle met en évidence l’hypersensibilité de dénervation en cas d’atteinte du troisième neurone. On instille dans chaque œil une goutte d’épinéphrine diluée (un pour mille) à une concentration telle qu’elle ne dilate pas une pupille normale. Si la petite pupille se dilate mais pas la grande (inversion de l’anisocorie), il s’agit d’une atteinte du troisième neurone. Si aucune pupille ne se dilate, il s’agit d’une atteinte du premier ou du second neurone...du moins en théorie car ce test n’est pas parfaitement fiable. De plus :

3) LES SIGNES ASSOCIÉS
Ce sont les meilleurs signes de localisation.

4) ÉTIOLOGlES
CBH congénital avec hypochromie et anhydrose faciale. Attention, chez le jeune enfant, un CBH acquis donne aussi une hypochromie et est souvent dû à un cancer.

Lésion du tronc cérébral (syndrome de WALLENBERG,...) : La symptomatologie associée est riche : atteinte latérale de la moelle, cancer du poumon (apex), pathologie thyroidienne, lésion du sinus caverneux (malformation vasculaire+++), algie vasculaire de la face, hémicranie paroxystique chronique.

LE BILAN ÉTIOLOGIQUE comporte palpation du cou, de la thyroïde, examen neurologique clinique, radiographie de thorax montrant bien les apex, voire scanner du cou et du médiastin (systématique chez l’enfant), artériographie (à condition qu’elle puisse conduire à un traitement) si on évoque une lésion dans le sinus caverneux, ou une dissection carotidienne.

II) MAUVAIS RPM DE LA GRANDE PUPILLE
Il est essentiel de faire la différence entre une pupille d’Adie, bénigne, et une atteinte intrinsèque du III pouvant traduire une rupture d’anévrysme.

A) La contraction pupillaire est meilleure en accommodation-convergence : PUPILLE D’ADIE
La grande pupille qui ne se contracte pas à la lumière, se contracte bien en accommodation-convergence. De plus, dans ce cas, la contraction pupillaire est tonique, ce qui signifie qu’une fois contractée, cette pupille ne se relâche que lentement.

On peut ainsi, en obtenant une accommodation-convergence prolongée dans la pénombre, parvenir à inverser l’anisocorie. Dans ce cas, au moment où on fait cesser l’accommodation-convergence, la pupille normale se dilate normalement, tandis que la pupille pathologique reste en myosis plus longtemps. À ce moment, l’anisocorie est donc inversée.

LES AUTRES SIGNES DE LA PUPILLE D’ADIE SONT:

1) L'HYPERSENSIBILITÉ DE DÉNERVATION : l’instillation dans chaque œil de Pilocarpine à 0.125 % a peu ou pas d’effet sur la pupille normale, mais provoque un myosis de la pupille d’Adie. Ce myosis peut être long à obtenir.

Le mécanisme de l’hypersensibilité de dénervation est simple : en l’absence de libération d’un neuro-médiateur (ici l’acéthylcholine) au niveau d’une terminaison nerveuse, le nombre de récepteurs à ce neuro-médiateur augmente (feed-back classique), ce qui augmente la sensibilité à ce médiateur. Ainsi une concentration auparavant inefficace devient efficace.

2) LE CARACTÈRE PARCELLAIRE DE LA PARALYSIE DU SPHINCTER donnant ainsi une impression de mouvements vermiculaires du bord pupillaire à la lampe à fente.

3) L’ASSOCIATION À L’ABOLITION DE RÉFLEXES OSTEO-TENDINEUX, dans le cadre d’un SYNDROME D’ADIE :

Il convient en particulier de rechercher une abolition des achiléens.

Le début brutal et la survenue nettement plus fréquente d’une pupille d’Adie chez la femme jeune ne peuvent être un élément du diagnostic différentiel avec un III.

Il existe des Argyl-Robertson avec grandes pupilles. Comme il serait grave de méconnaître une syphilis, la sérologie est systématique, chaque fois que le tableau n’est pas typique.

B) La contraction n’est pas meilleure en accommodationconvergence : III INTRINSEQUE probable.
Il faut rechercher, du côté de la pupille pathologique, une atteinte extrinsèque du III (ptôsis, parésie oculomotrice), mais aussi une atteinte des autres paires crâniennes (Il, IV, V, VI) ou du sympathique (cf. infra).

Cette atteinte intrinsèque du III n’est jamais d’origine ischémique.

C) À part :

1) La MYDRIASE ATROPINIQUE
Pour confirmer ce diagnostic, on peut instiller de la pilocarpine à 2%. La mydriase persiste, au contraire d’une pupille d’Adie ou d’une paralysie du III.

Attention, en cas de doute sur un III intrinsèque, l’instillation de pilocarpine si elle provoque un myosis empêche de faire le diagnostic de l’anisocorie et peut retarder le diagnostic d’anévrysme.

2) Le syndrome de POURFOUR DU PETIT
Syndrome d’excitation du sympathique, associant mydriase et rétraction palpébrale à des flushs et une hyperhydrose de l’hémiface.

En fait, ce syndrome est rare, et alterne presque toujours dans le temps avec un syndrome de C.B-H. Il est très souvent dû à une tumeur maligne.

3) La correctopie
Pupille en mydriase peu réactive, ovalaire et excentrée. Elle est due à une lésion thalamique homolatérale, et le plus souvent, le patient est dans le coma.

III) MAUVAIS RPM DE LA PETITE PUPILLE
A) Pupille d’ARGYL-ROBERTSON
Uni ou bilatérale, symétrique ou non, irrégulière, se contractant mieux en accommodation-convergence.

La syphilis est recherchée systématiquement, mais un Argyl-Robertson peut aussi se voir lors du diabète, lors de neuropathies dégénératives sensitivomotrices (Charcot-Marie-Tooth, Déjerine Sottas), ou après un zona ophtalmique. Dans la syphilis, la lésion siégerait près de l’aqueduc de Sylvius.

B) Pupille d’ADIE vieillie
Elle conserve les caractéristiques diagnostiques essentielles : meilleure contraction en accommodation-convergence, et hypersensibilité à la pilocarpine. De toute façon, la sérologie syphilitique est systématique si la notion de mydriase initiale manque.

C) À part, III intrinsèque associé à un CBH :
Le CBH masque la mydriase du III, et le RPM est diminué ou absent à cause du III. On constate donc une petite pupille (en fait plus petite que la pupille saine en luminosité normale, mais plus grande si on éclaire suffisamment) régulière avec un RPM altéré, et ne réagissant pas mieux en accommodationconvergence. Le diagnostic est souvent méconnu, sauf s’il existe une atteinte extrinsèque du III associée.

Cela signifie que devant une atteinte extrinsèque du III, pour affirmer l’absence d’atteinte intrinsèque, il ne suffit pas de constater une isocorie, il faut aussi tester correctement les RPM.

D) Myosis médicamenteux

E) autres causes ophtalmologiques.

MYDRIASE BILATÉRALE
ÉLIMINER DEUX URGENCES:

1) BOTULISME

Extrême urgence si les premiers troubles sont apparus peu de temps après l’ingestion de l’aliment responsable.

Il) DIPHTÉRIE angine à fausses membranes.

III) LES AUTRES CAUSES SONT PLUS FRÉQUENTES :

A) SYNDROME DE PARINAUD

B) PUPILLE D’ADIE BILATÉRALE D’EMBLÉE

C) CONTUSION DU TRONC CÉRÉBRAL

D) MYDRIASE MÉDICAMENTEUSE.

MYOSIS BILATERAL
Il ne faut pas tenir compte d’un myosis , avec RPM présents et symétriques, non pathologique (bien que fréquent chez le diabétique).

I) PUPILLE D’ADIE VIEILLIE BILATÉRALE

Il) ARGYL-ROBERTSON BILATEÉAL

III) MYOSIS MÉDICAMENTEUX.

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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)