TORSION PRIMAIRE ET TORSION SECONDAIRE


Gian Paolo GRACIS
(Turin)

Notre étude montre l’existence, dans les cas de paralysie du IV, d’une variation de la déviation torsionnelle en fonction de l’œil fixateur et, par conséquent, l’existence d’une torsion primaire et d’une torsion secondaire.

Récemment (1, 2, 3), nous avons présenté un nouvel appareillage, le "Biocular cyclometer" (Figure 1) qui permet d’effectuer les mesures suivantes :

1) O.D fixateur: mesure de la torsion de l’O.D. (Torsion Directe de l’O.D.).
2) O.D. fixateur: mesure de la torsion de l’O.G. (Torsion Indirecte de l'O.Gj.
3) O.G. fixateur: mesure de la torsion de l’O.D. (Torsion Indirecte de l’O.D.).
4) O.G. fixateur: mesure de la torsion de l’O.G. (Torsion Directe de l’O.G.).

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Figure 1
: Le cyclomètre bi-oculaire.

De nombreuses méthodes (Rétinographie, Périmétrie, Cyclométrie, S.L.O., etc....) mesurent uniquement la torsion directe, c’est à dire la Torsion de l’œil fixateur sans connaître la torsion de l’œil non fixateur.

Ceci est une absurdité sur les plans théorique, logique et pratique, contraire au principe général de mesure de la déviation, qui ne tient pas compte du rôle de la déviation ni du concept de déviations primaire et secondaire comme pour toutes les autres paralysies.

En strabologie, il faut toujours déterminer la position de l’œil l’un par rapport k l’autre. Donc, si l’on est en train de mesurer la torsion d’un œil, la logique impose de connaître la valeur de la torsion de l’œil controlatéral.

Dans une publication antérieure (3), nous avons déjà démontré l’existence d’une extorsion primaire et secondaire dans les cas de paralysies congénitales du IV.

Le problème est très important car, si on démontre que la torsion change si l’œil étudié est fixateur ou non, les mesures obtenues quand l’œil dominé est fixateur sont fausses. Les mesures de la torsion étudiée sur les deux yeux quand l’œil dominant est fixateur sont les véritables mesures de la déviation tortionnelle.

Prenons un exemple pour démontrer l’erreur que l’on peut faire si l’on utilise des méthodes de mesure inexactes.

CAS CLINIQUE
V.A..., 49 ans, se plaint d’une diplopie qui survient après une lecture prolongée. Il y a 19 ans, il a souffert d’un abcès de l’orbite et du sinus maxillaire qui a détruit partiellement le plancher orbitaire gauche. Une opération a probablement lésé le Muscle Oblique Supérieur. La guérison est obtenue mais laisse comme séquelle un abaissement du globe oculaire gauche avec diplopie qui persiste pendant 2 ans après l’intervention (Figure 2).

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Figure 2
: Patient présentant une diplopie verticale

L’acuité visuelle est de 10/10 O.D.G. sans correction. Le test bi-prismatique est normal. La V.B. est normale. Il existe un petit torticolis de 5° avec la tête inclinée sur l’épaule droite en légère rotation. Le stéréo test de Lang est normal en position de torticolis et pathologique la tête droite. Le test de Bielshowsky est positif avec atteinte de l’O.G.. L’O.D. est dominant.

En position de torticolis: orthophorie de loin et exophorie de près au C.T.. Avec la tête droite: exophorie de loin et exophorie-tropie de près.

Verres striés: fusion.
Coordimètre : paralysie du IV gauche.
Ophtalmoscopie : O.D. en intorsion et O.G. en extorsion.

Il faut rappeler que la méthode du "Fundus Torsion" ou mise on évidence de la torsion par ophtalmoscopie (4) détermine la position de la fovéa, par rapport à la papille, d’un œil pendant que l’autre œil est fixateur.

Il s’agît, pour utiliser la terminologie que nous avons adoptée, de la Torsion Indirecte de l’O.D. et de l’O.G. (totalement différente de la Torsion Directe obtenue par exemple par une photo du fond d’œil).

Le patient est testé avec le Cyclomètre bi-oculaire.

Quand l’O.D. qui est l’œil dominant et sain est fixateur, on trouve une extorsion brute de + 11° (Torsion Directe) et sur 1'O.G., parétique et dominé, on trouve une extorsion brute de +18° (Torsion Indirecte). (Figure 3). Les valeurs chez les sujets normaux sont comprises entre + et +9°, moyenne 6,5°, EC. +/- 1,20.

Ces valeurs correspondent à la situation réelle du patient dans la vie courante. Dès que l’œil fixateur est l’œil sain, les valeurs obtenues correspondent à la Torsion primaire de I’O.D. et de l’O.G.: pour I’O.D. il s’agît donc de la Torsion Primaire Directe et pour l’O.G. il s’agît de la Torsion Primaire Indirecte.

Au contraire, quand l’O.G., parétique et dominé, devient fixateur, la situation torsionnelle change radicalement. On trouve une Intorsion pathologique brute de -9,5° sur l’O.G. (Torsion Directe) et de -4,5° sur l’O.D. (Torsion Indirecte). (Figure 3).

Dès que l’O.G. parétique devient fixateur, on obtient une Torsion Secondaire de I’O.G. et de l’O.D.; pour l’O.G. il s’agît de la Torsion Secondaire Directe, et pour l’O.D. de la Torsion Secondaire Indirecte.

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Figure 3
: Résultats obtenus avec le cyclomètre bi-oculaire.

Ces résultats démontrent que mi on avait utilisé une autre méthode habituelle comme par exemple la photographie du Fond d’œil (il faut redire qu’avec cette méthode, l’œil photographié est fixateur, on étudie donc seulement la Torsion Directe de l’O.D. et de l’O.G.) on aurait obtenu pour l’O.D. une extorsion pathologique (vraie) et pour l’O.G. une intorsion pathologique (fausse). Car, dans la vie courante et donc les deux yeux ouverts, (l’O.D. est dominant et fixateur) l’O.G. n’est pas en intorsion mais en extorsion pathologique.

Par conséquent, un acte chirurgical voulant corriger la fausse intorsion pathologique de l’O.G. apporterait en réalité une aggravation de l’extorsion pathologique préexistante.

Conclusion
Ceci met bien en évidence l’importance de l’étude de la torsion de chaque œil fixateur et de chaque œil non fixateur. Il existe donc, une variation de la torsion en fonction de l’œil fixateur dans les cas de paralysies du 1V unilatérale.

Bibliographie
1) G.P. Gracis, P. Perino, M. Felletti : Le binocular cyclometer, un nouvel instrument de mesure de la torsion. J. Fr. Orth. 24, 133-140, 1992.
2) G.P. Gracis : Le cyclomètre bioculaire. VARIA V. 1992,17-24.
3) G.P. Gracis : The biocular cyclometer. E.S.A., 1992, BRUSSELS (sous presse).
4) G.P. Gracis, P. Perino : Fundus torsion, une nouvelle méthode pour la mesure de la torsion. J. Fr. Orth. 24, 121-131, 1992.


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)