LES NEUROPATHIES OPTIQUES HÉRÉDITAIRES


Laurent LALOUM
(Paris)

Les neuropathies optiques héréditaires peuvent soit être isolées, soit s’intégrer au sein d’un syndrome réunissant diverses atteintes neurologiques et/ou systémiques, soit être une des manifestations d’une maladie métabolique héréditaire.

LES NEUROPATHIES OPTIQUES HÉRÉDITAIRES ISOLÉES
Les neuropathies optiques héréditaires isolées sont dominées par la neuropathie optique de Leber et l’atrophie optique dominante.

Contrairement aux atrophies optiques associées à un dysfonctionnement rétinien, l’ERG est normal.

La neuropathie optique de Leber
Décrite en 1871 par Leber, son mode de transmission n’a été élucidé que très récemment.

Elle est responsable d’une baisse d’acuité brutale ou rapide, qui se stabilise au bout de trois mois. Parfois, la baisse de l’acuité est plus progressive et s'étale sur plus d’un an.

Il n’y a pas de récupération analogue à celle des névrites optiques de la sclérose en plaques (SEP).

Terrain. L’homme est beaucoup plus souvent touché que la femme. Les antécédents familiaux peuvent manquer (cas isolés).

Début. Habituellement entre 15 à 35 ans, mais parfois avant 10 ans ou après 50 ans.

Bilatéralisation. D’emblée bilatérale dans la moitié des cas, les cas restants se bilatéralisent dans les 6 mois.

Pronostic. Il existe de rares récupérations d’acuité visuelle, parfois importantes. De telles récupérations peuvent survenir plusieurs mois ou années après le début. Il est donc impossible d’annoncer un pronostic au patient.

Cause. La mutation de l’ADN mitochondrial, la plus fréquente (un cas sur deux) et la première identifiée, porte sur le nucléotide en position 11778 et conduit à une anomalie du nicotinamide adénine dinucléotide (NADH) (remplacement de l’acide aminé en position 340 histidine à la place d’une arginine).
La maladie de Leber est actuellement le modèle des affections transmises par I’ADN mitochondrial.

Transmission. Seules les femmes peuvent transmettre cette affection à leurs enfants car toutes les mitochondries sont d’origine maternelle. Les femmes porteuses de l’anomalie ne la transmettent pas à tous leurs descendants car certaines possèdent à la fois l’ADN mitochondrial mutant et l’ADN mitochondrial normal, mélangés.

Phénotype. Les sujets porteurs de l’anomalie génétique ne développent pas forcément une maladie de Leber.
Le développement plus fréquent de la maladie chez l’homme que chez la femme est dû à l’expression d’un gêne lié au chromosome N qui modifie l’expression de I’ADN mitochondrial.
Des facteurs capables d’altérer la chaîne respiratoire de la mitochondrie (maladies de système, substances toxiques (cyanides), carences vitaminiques) pourraient parfois jouer le rôle de facteurs déclenchant de la maladie de Leber. On trouve peut-être là une indication d’un traitement préventif des sujets non atteints mais porteurs de l’anomalie génétique, mais à ce jour, il n’a pas été possible d’en obtenir la confirmation clinique.

LE DIAGNOSTIC
Il repose sur la clinique, les antécédents familiaux inconstants et la recherche de la mutation 11778 de l’ADN mitochondrial.

La baisse d’acuité initiale est souvent brutale, importante, de l’ordre de 1/10ème mais allant parfois jusqu’à la cécité. Cette baisse peut avoir été précédée de sensations lumineuses et/ou colorées, et être majorée par l’effort physique et la chaleur (signes d’UHTHOFF).

Le champ visuel retrouve un scotome caeco-central (ou central au tout début).

La vision des couleurs est perturbée. L’anormalité du 100-HUE peut être le premier signe d’atteinte du nerf optique.

Le fond d’œil montre une papille hyperhémiée avec une saillie des fibres papillaires, voire des hémorragies. C’est le classique aspect de pseudo œdème papillaire. Il ne s’agit pas d’un vrai œdème comme le prouve l’absence de diffusion aux temps tardifs de 1’angiographie rétinienne.
Dans la moitié des cas, il existe des télangiectasies péripapillaires de très grande valeur diagnostique. Celles-ci peuvent se voir chez des sujets porteurs de l’anomalie génétique et n’ayant pas eu d’atteinte visuelle. Elles précèdent donc la baisse d’acuité visuelle, mais on ne sait pas si tous les patients présentant de telles télangiectasies développeront la maladie ou non. L’évolution se fait vers l’atrophie optique.

Les PEV, altérés, apportent peu de renseignements.

L’ERG est normal.

L’IRM est normale (un aspect de gros nerfs optiques a cependant été décrit).

Signes associés. Des nombreuses associations décrites, fortuites ou non, il faut retenir les rares troubles de la conduction cardiaque.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
De la baisse d’acuité initiale : En l’absence d’antécédents familiaux évocateurs, et s’il n’y a pas de télangiectasies au fond d’œil, il est probable qu’un diagnostic de névrite optique banale (évoquant une SEP) sera posé, d’autant que nous avons vu qu’un syndrome d’UHTHOFF, classique au cours de la SEP, peut se voir dans la neuropathie optique de Leber. Le diagnostic pourra être évoqué sur l’absence de douleurs orbitaires à la mobilisation des globes, l’absence de récupération dans les délais habituels, l’absence d’autres atteintes neurologiques de la SEP.

La possibilité de faire un diagnostic génétique direct de l’anomalie de l’ADN mitochondrial représente un progrès majeur.

De l’aspect de la papille : Seule l’angiographie confirme l’absence d’œdème papillaire au stade aigu.

TRAITEMENT
Divers traitements ont été essayés mais aucun n’a pu prouver une efficacité. En particulier, l’hydroxycobalamine ne semble efficace ni comme traitement curatif, ni comme traitement préventif.

On se contente donc de conseiller aux sujets atteints ou porteurs de l’affection d’éviter les facteurs augmentant les taux de cyanides (tabagisme, certains aliments, infections urinaires).

LE CONSEIL GÉNÉTIQUE
On peut affirmer aux hommes que leur descendance sera saine.

Dans une même famille des atteintes optiques sévères peuvent coexister avec des atteintes bénignes, ce qui rend difficile le conseil aux femmes atteintes, mis à part le fait qu’un fils aura plus de chances (5 à 9 fois plus selon les études) d’être atteint qu’une fille.

L’atrophie optique dominante
La tritanopie est un élément essentiel du diagnostic.

La première description date de 1921. Les suivantes ont séparé une forme infantile, congénitale avec nystagmus, d’une forme juvénile. En fait, cette affection survient avant 10 ans. Le début est difficile à préciser d’autant que bon nombre de patients n’est pas conscient du déficit visuel ou de l’aspect familial de la maladie.

Ceci est dû aux caractères de cette affection la baise d’acuité est modérée, d’installation insidieuse, et très lentement ou pas du tout évolutive. L’acuité est très variable d’un individu à l’autre, y compris dans une même famille.

Début. Avant 10 ans.

Bilatéralité. Elle est constante. L’atteinte est symétrique mais il existe des exceptions.

Pronostic. Chez la moitié des sujets, l’acuité visuelle baisse lentement comme en témoigne dans les différentes publications, l’étude de l’acuité des sujets atteints en fonction de leur âge. Tous les patients de moins de 15 ans ont au moins 1/10ème (souvent 3 à 4/10ème), et un quart des patients de plus de 45 ans ont moins de 1/ 10ème.

Cause. Ce serait une atteinte dégénérative des cellules ganglionnaires.

Transmission. Elle est dominante. Pas de cas isolés, mais nous avons vu que cette pathologie peut être méconnue dans une famille.

LE DIAGNOSTIC
Précoce en cas de pathologie familiale connue, ou en cas de nystagmus attirant l’attention et conduisant à un examen précoce du fond d’œil. Sinon, il peut être tardif ou non fait, d’autant que l’atteinte est symétrique.

L’ acuité visuelle est souvent entre 2/10ème et 5/10ème au moment du diagnostic. Le patient et l’entourage sont incapables de préciser une date de début.

Le champ visuel. Il met en évidence un scotome central ou caeco-central.

Vision des couleurs. La tritanopie est un signe majeur de cette affection le patient voit très mal le bleu, beaucoup moins bien que le rouge. Ainsi, au champ visuel de GOLDMANN, à surface et intensité égales du stimulus, on obtient un isoptère plus réduit si le stimulus est bleu que s’il est rouge (alors que c’est l’inverse chez le sujet normal).

Le fond d’œil. L’atrophie optique temporale peut se résumer à un aspect de coloration très homogène, très "lisse" de la papille, en rapport avec la disparition des petits vaisseaux de surface.

Les PEV sont altérés, ce qui n’a d’intérêt qu’en l’absence d’atrophie optique clinique au fond d’œil.

L’atrophie optique congénitale récessive
Elle est très rare.

L’atrophie optique massive (papilles blanches et excavées) conduit souvent à une quasi cécité dès la naissance ou dans tous les cas avant l’âge de 4 ans. Les parents sont presque toujours consanguins.

L’ERG est normal.

LES NEUROPATHIES OPTIQUES HÉRÉDITAIRES ASSOCIÉES À D’AUTRES ANOMALIES NEUROLOGIQUES OU SYSTÉMIQUES
Il faut en retenir celles associées à :

LES NEUROPATHIES OPTIQUES CONGÉNITALES SECONDAIRES À UNE MALADIE MÉTABOLIQUE HÉRÉDITAIRE
Notre objet n’est pas d’en faire ici la longue énumération. Comme pour la catégorie précédente, il est possible de se référer, si besoin, au tome 1 du livre "WALSH AND HOYT’S CLINICAL NEURO-OPHTHALMOLOGY" de Neil R.MILLER, éditions WILLIAMS and WILKINS.

En pratique, devant une atrophie optique bilatérale chez un enfant ou un adulte jeune, il faut :


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)