VRAIS ET FAUX SYNDROMES ALPHABÉTIQUES


Jean-Bernard WEISS
(Paris)

Nous ne traiterons ici que des syndromes alphabétiques des strabismes convergents.

La détermination d’un syndrome alphabétique repose soit sur des mesures, soit sur une impression visuelle.

Mesures objectives
La déviation est mesurée dans le regard en haut (30 degrés d’élévation) et dans le regard en bas (30 degrés d’abaissement).

Pour certains auteurs, il existe un syndrome V quand l’angle de déviation augmente d’au moins 15 dioptries entre la position en haut et celle du bas, et un syndrome A quand l’angle diminue d’au moins 10 dioptries.

Ces mesures sont effectuées soit avec l’écran alterné et une barre de prisme, soit avec un synoptophore, soit avec le synoptomètre.

L’examen est pratiqué en faisant fixer une mire accommodative, le patient ponant sa correction totale.

Ces méthodes sont contraignantes. Quand l’angle de déviation en position primaire atteint ou dépasse 40 dioptries, les mesures obtenues avec les prismes sont imprécises.

Malgré ces difficultés, la méthode objective est relativement fiable; et les résultats varient peu d’un examinateur à l’autre.

L’examen direct
C’est la méthode clinique la plus utilisée. Le plus souvent, on fait fixer un point lumineux que l’on déplace verticalement, en allant des positions extrêmes en haut et en bas. L’examen direct peut être appuyé par la prise de photographies, bien utiles pour étayer une publication.

Cette méthode, particulièrement simple, expose en fait l’examinateur à de nombreuses erreurs.

Erreurs dues à l’existence d’un syndrome spastique
Le premier type d’erreur est lié à l’existence d’une déviation spastique.

La part spastique d’une déviation peut être mise en évidence par les 5 méthodes suivantes :

Lors de l’examen clinique, deux de ces 5 méthodes de relâchement du spasme interviennent: le regard dans les positions extrêmes et l’éblouissement.

Aux variations de l’angle de déviation propres aux syndromes alphabétiques peuvent s’ajouter les variations dues au relâchement du spasme.

C’est ainsi qu’ont été décrits les faux syndromes V d’origine spastique et les syndromes A masqués par un syndrome V avec composante torsionnelle d’origine spastique ( Figure 1) (6).

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Figure 1
: Syndrome V spastique. Le relâchement n’est obtenu que dans le regard extrême en bas. Photographie dans l’obscurité en D. On peut donc porter le diagnostic de syndrome en V (E et F) si l’on néglige le regard extrême en bas (Photographies G et H)

Erreurs dues à la forme des paupières
On sait qu’il existe une relation entre la forme des paupières et l’existence d’un syndrome alphabétique, les syndromes en A étant plus souvent associés à des fentes palpébrales antimongoloïdes et les syndromes V à des fentes palpébrales mongoloïdes. L’obliquité des fentes palpébrales serait le reflet de l’obliquité des orbites, elles mêmes responsables de cyclodéviations (7).

Mais, par elles mêmes, ces paupières donnent l’impression de syndromes alphabétiques.

L’évaluation de l’angle d’un strabisme dépend de ce qui entoure les cornées. Les faux strabismes associés à une ectopie maculaire ont été bien analysés par Woillez (8). Thomas a montré que la forme des montures de lunettes pouvait modifier l’apparence d’un strabisme.

Dans les regards extrêmes, la forme des paupières se modifie d’une manière différente suivant que leur inclinaison est de type mongoloïde ou antimongoloïde.

On peut éviter ce type d’erreur en mesurant les variations de la distance séparant les bords extrêmes des iris ou des centres pupillaires.

Commentaires
Chaque fois que cela est possible, le diagnostic de syndrome alphabétique doit reposer sur des mesures objectives de l’angle de déviation dans le regard à 30 degrés en haut et en bas, pratiquées sur mires accommodatives, avec la correction totale de l’amétropie.

Si, pour une question d’âge ou de coopération, on ne peut faire seulement qu’un examen avec fixation d’un point lumineux, il faut tenir compte de l’existence possible d’un spasme et/ou d’une inclinaison des paupières qui peuvent fausser l’examen.

On est amené ainsi à définir :

C’est à cette dernière catégorie que le terme de faux syndrome doit être réservé. L’existence de syndromes A spastiques reste à prouver.

Références
1 Jeanrot N., Billoir J., Loubiered D. et Vie. M. Le test de l’éblouissement. J. Fr. Orthopt., 1985, 17, 7-11.
2 Paliaga G.P., Ghisolfi A., Giunta G. et Decarli. A. Millimetric cover-test. A linear strabismometric technique. J. Pediatr. Ophthalmol. Strab., 17,5, 331-335, 1980.
3 Postic G. Etiopathogénie des syndromes A et V. Bull. Mém. Soc. Fr. Ophtalmol., 1965,78, 240-252.
4 Spielmann A. Ecran translucide et D.V.D. J. Fr. Orthopt., 1986, 18, 217-223.
5 Weiss J-B. Ectopie et pseudo-ectopic maculaire par rotation. Bull. Mém. Soc. Fr. Ophtalmol., 1966, 79, 329-349.
6 Weiss J-B., Ménager P.. Spasme et contracture spasmodique. Bull. Mém. Soc. Fr. Ophtalmol., 1967, 80, 548-558.
7 Weiss J-B. Spasme ou contracture ? J. Fr. Orthopt., 1976, 8, 31-42.
8 Woillez M., Beal. R., Dercourt S. Ectopie de la macula et embryopathie. Bull. Soc. Opht. France, 1964, p 321.


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)