LES PROGRÈS DE L'ORTHOPTIQUE


L'histoire des progrès de l'Orthoptique est inséparable de l'histoire du traitement du strabisme. Le besoin d'orthoptiste s'est fait sentir avec l'accroissement des connaissances en matière de physiologie de la vision binoculaire et qui menèrent vers de nouveaux concepts étiologiques, de nouvelles méthodes d'examen et de nouvelles techniques thérapeutiques.

Jusqu'au milieu du 18ème siècle, les écrits sur le strabisme sont "distrayant" mais relativement peu scientifiques !
La déviation strabique est indistinctement attribuées soit à des phénomènes obscurs et diaboliques, soit à des aberrations anatomiques comme le déplacement de la cornée et/ou du cristallin. Le diagnostique et le traitement du strabisme étaient nécessairement très primitif.
Une première grande étape fut franchie avec la mise en évidence de l'efficacité de l'occlusion de l'oeil dominant dans la promotion de l'usage de l'oeil dévié; un phénomène qui nous paraît aujourd'hui si évident que l'on a peine à penser qu'il n'était pas d'une pratique courante 50 à 100 ans en arrière... alors qu'il avait été décrit parfaitement par Saint Yves en 1722 et par le grand Buffon en 1743.
L'ophtalmologie doit sans aucun doute à Saint Yves de nombreuses découvertes et observations publiées pour la première fois en 1736 dans son Traité des Maladies des Yeux.

Le siècle suivant voit de nouveau la France apporter sa pierre à l'élaboration du traitement du strabisme, par le biais de l'invention des exercices de rééducation cette fois. En 1857, Javal, un Ingénieur des Mines s'intéressant à l'optique physiologique, développe des exercices stéréoscopiques pour traiter le strabisme convergent de sa jeune soeur Sophie.
L'échec de Javal a atteindre son but dans ce domaine a été répété de nombreuses fois par nombre de ses successeurs mais dans son cas, il le mena à des études de médecine puis d'ophtalmologie qui lui permirent de se consacrer pleinement à l'étude du strabisme.

Depuis la fin du 19ème siècle, alors que Javal publie sa thèse (Du strabisme dans ses applications à la théorie de vision) , d'autres ophtalmologistes réputés ont contribué aux progrès de nos connaissances. Parmi eux, citons Worth, qui fit tant avancer les conceptions sur la vision binoculaire; Chavasse, dont les idées révolutionnaires sur la chirurgie précoce étaient basées sur ses travaux sur le développement des réflexes binoculaires; Bielschowsky dont les Lectures on Motor Anomalies ("Conférences sur les anomalies motrices") restent d'acualités même selon les standards d'aujourd'hui...

Les changements dans les méthodes de traitement et la complexification croissante des autres branches de l'ophtalmologie a conduit à la création d'une profession paramédicale capable de prendre en charge le diagnostic et la traitement du strabisme. La première orthoptiste fut très certainement Mary Maddox, fille et élève de Ernest Maddox, un ophtalmologiste du sud de l'Angleterre. En 1929, elle fonda la première clinique orthoptique au sein du Royal Westminster Ophthalmic Hospital de Londres. Celle-ci devint par la suite, en 1930, la première école orthoptique où des étudiants furent admis. En 1934, la création du British Orthoptic Council of Ophthalmologists fut rapidement suivie de l'attribution des premiers "Diplôme d'Orthoptique" (Diploma of Orthoptics) après examen passé devant ce conseil. La profession d'Orthoptiste a donc effectivement vu le jour en Grande Bretagne.

En Amérique du Nord, l'orthoptique a commencé à se développer dans les années 30. La première clinique hospitalière dans ce domaine fut fondée en 1934 au Fifth Avenue Hospital de New York par Elizabeth Stark, sous la direction du Docteur Le Grand Hardy; qui deviendra d'ailleurs le premier Président de l'American Orthoptic Council lors de sa fondation en 1938. Cela conduira aux premiers examens et aux premières certifications d'orthoptistes. En 1937, une clinique du même genre sera ouverte par Catherine Lunn à Vancouver au Canada, rapidement suivie trois ans plus tard par une école d'orthoptique.

À notre connaissance, le seul autre pays où une clinique orthoptique fut ouverte dans les années 30 est la Suisse. De nombreuses années auparavant, à Lausanne, Arnold Verrey utilisait l'orthoptique dans sa pratique quotidienne et en 1938, à Genève, le Professeur Franceschetti fondait la première clinique orthoptique de la confédération hélvétique.

Les progrès des décennies suivantes furent retardées du fait de la seconde guerre mondiale. À la fin des hostilités, de nouvelles techniques se développèrent et une approche originale dans le traitement de l'amblyopie n'allait plus tarder à voir le jour. À Saint Gall, en Suisse, le Professeur Bangarter commençait ses travaux sur la pléoptique et à Giessen en Allemagne, le Professeur Cüppers inventait de nouveaux appareils et de nouvelle techniques. Les orthoptistes formés alors dans ces deux cliniques exercent dorénavant leur talent partout dans le monde.

À la fin des années 40, des orthoptistes britanniques furent invitées à ouvrir au Brésil une clinique et une école orthoptique; la profession s'est depuis fortement développée en Amérique du Sud avec pas moins de 5 écoles pour le seul Brésil. À peu près à la même période deux écoles s'ouvrirent en France à Nancy et à Lyon et une école fut fondée à Amsterdam par Jo Van den Bosch. De l'autre côté de la planète, des cliniques orthoptiques furent fondées en Australie et en Nouvelle Zélande.

Durant le seconde partie du vingtième siècle, la profession d'orthoptiste s'est considérablement développée et a fortement progressé. La formation s'est institutionnalisée et s'est développée dans de nombreux pays. Les ophtalmologistes et les orthoptistes ont su adapter leur méthodes d'examen et de traitement; les branches mortes ont été coupées et de nouvelles techniques ont été inventées. La compréhension des mécanismes de la fonction binoculaire s'est faite peu à peu.

Alors que l'efficacité et le potentiel de l'orthoptique s'accroissait, des cliniques spécialisées voyaient le jour en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Finlande, en Grèce, en Italie, en Norvège, au Portugal, en Espagne et en Suède. Leur personnel était initialement constitué d'orthoptistes formés en Grande Bretagne, en Amérique ou en Europe. Quelques uns de ces pays forment maintenant leurs propres orthoptistes; d'autres ne vont pas tarder à les suivre sur cette voie. Le nombre d'école en France et en Allemagne a considérablement augmenté. L'orthoptique est maintenant pratiqué en Inde, au Japon, au Sri Lanka et dans de nombreux autres pays non encore membres de l'IOA, l'association orthoptique internationale.
La reconnaissance officielle de la profession d'orthoptiste est un fait dans de très nombreux pays.

Maintenant que la valeur de l'orthoptiste a été reconnue par les ophtalmologistes ET par les patients, son champ d'action s'est accru. Le dépistage et le traitement précoce du strabisme a permis de bien meilleurs résultats mais le travail de l'orthoptiste moderne ne se résume pas exclusivement au traitement du strabisme de l'enfant.
Formé de manière adéquate et efficace, l'orthoptiste est une aide précieuse non plus exclusivement de l'ophtalmologiste mais aussi du pédiatre, du neurologue et du neurochirurgien mais aussi du chirurgien maxillo-facial dans le cadre de la prise en charge globale de nombre de patients et de pathologies différentes. Nous sommes maintenant très loin des enfants âgés de 10 ans pris en charge au siècle dernier par Javal et nous pensons fermement que le champ d'action et de compétence de l'orthoptiste va continuer à s'élargir.

A. S. VAN PAASSEN, J. MEIN & B. M. LEE in "Orthoptics. Proceedings of the second International Orthoptic Congress. Amsterdam, 11-13 may 1971". pp. 5-6.
Traduit de l'anglais par B. Rousseau


retour.gif (1536 octets)  retour à la page principale

(Dernière mise à jour de cette page le 03/06/2006)