RÉÉDUCATION AVEC LES STÉRÉOGRAMMES


P. FUMOLEAU & Elisabeth MULLER FEUGA
(Paris)

D’une apparente simplicité, les exercices de rééducation orthoptique avec les stéréogrammes peuvent entraîner des troubles certains, difficiles à corriger, s’ils sont mal utilisés, ou un découragement trop rapide conduisant à un abandon de la part de l’utilisateur.

C’est pourquoi, cette rééducation doit être conduite et contrôlée par une orthoptiste qui prendra le temps d’expliquer la méthode. Celle-ci a l’avantage de pouvoir être effectuée à la maison, ce qui est généralement souhaité par bon nombre de personnes actives. Elle est un complément à une rééducation classique.

Les stéréogrammes utilisés se présentent chacun sous la forme de 2 figures différentes mais dont une partie est commune. L’apprentissage réside dans la perception d’un 3ème rond, central, superposition des 2 ronds imprimés. Ce 3ème rond est le témoin de la fusion des 2 images perçues par chaque œil.

Il est important de différencier le fait de fixer quelque chose et d’apercevoir en même temps autre chose. La majeure difficulté que présente le travail aux stéréogrammes réside au fait qu’il faille maintenir la fixation sur un point donné et faire attention àce qui apparaît sur le stéréogramme lui-même sans le regarder. Les 3 ronds ne sont perçus que si le stéréogramme n’est pas regardé.

Explications de base
On explique au patient la distinction entre acuité visuelle et fixation binoculaire, la convergence nécessaire à la fusion en vision de près, la diplopie physiologique et la neutralisation, responsable des troubles fonctionnels.

Il existe un éventail important dans le choix des stéréogrammes de par leurs difficultés et leurs originalités: classique noir/blanc, à pois, avec un mot ou un texte, à points aléatoires, troués, en spirale, colorés...

Lors d’une séance, il faut exécuter dans l’ordre le travail suivant : exercices en divergence (détente), puis en convergence (effort), puis pour finir en divergence.

EXERCICE EN DIVERGENCE
Dans un premier temps, il faut utiliser soit les stéréogrammes troués, calibrés de 60 à 50mm, soit les stéréogrammes de grosse taille (Nos 9, 11); l’écart entre les deux figures ne doit pas être supérieur à l’écartement des deux yeux. On utilisera ici le stéréogramme troué de 60mm (Figure 1).

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Figure 1
: Stéréogramme troué avec un écartement de 60mm.

Technique
Se placer bien en face d’un objet situé à environ 5 mètres, ou regarder par une fenêtre un détail situé à grande distance, l’exercice en sera plus facile.

Tenir le stéréogramme des deux mains (ceci afin d’éviter tout déplacement latéral durant l’exercice) contre les yeux en fixant l’objet au travers des deux trous. On perçoit comme un seul trou devant les yeux.

Eloigner progressivement le stéréogramme droit devant soi. Peu à peu apparaissent 2 trous latéraux (Figure 2). L’attention doit se porter sur l’orifice central, on a l’impression de fixer l’objet au travers de cet orifice qui parait plus en arrière que les 2 orifices latéraux. Il est parfois difficile de percevoir ces 3 trous aussi bien les uns que les autres. On peut alors battre des paupières pendant quelques secondes tout en fixant l’objet au loin au travers du stéréogramme. Cela favorise la perception des 3 ronds.

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Figure 2
: Exercice en divergence.
Perception d’un 3ème trou central, situé en arrière des deux autres. L’objet fixé est comme perçu au milieu du trou central.

Lorsque la divergence est difficile à maintenir ou que l’on a tendance à vouloir regarder le test, on perçoit 2 ou 4 ronds. Il faut alors rapprocher à nouveau le stéréogramme du nez et recommencer.

Une fois ces 3 ronds bien stabilisés, il faut faire lentement plusieurs aller et retour.

S’aider de couleurs
On peut ajouter sur chacun des ronds imprimés une couleur différente. Le rond centrai sera alors perçu avec ces deux couleurs (Figure 3).

Si sur ce rond central l’une des deux couleurs "clignote", c’est qu’un œil a tendance à neutraliser; si c’est la couleur de droite, il s’agit de l’œil droit, et inversement.

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Figure 3
: Stéréogramme troué et calibré à 50 mm.
On peut lui ajouter deux couleurs différentes sur chacun des ronds. Le 3ème rond central sera perçu avec ces deux couleurs.

Dans ce cas, si malgré avoir cligné des paupières, la couleur de droite par exemple n’apparaît pas aussi clairement que celle de gauche, il faut retourner le test de 180° de manière à inverser la position des couleurs. En effet, certaines couleurs sont moins bien perçues que d’autres.

Si malgré cette inversion, la couleur de droite disparaît toujours, l’œil droit est effectivement en cause. On ramène alors le stéréogramme proche du nez pour retrouver cette couleur, puis on l’éloigne à nouveau lentement.

Augmenter la difficulté
Utiliser alors un stéréogramme avec un calibre inférieur: passer de 60 à 55 ou 50 mm, ou bien fixer un objet plus proche, à 3 mètres par exemple, puis à 1 mètre.

Travail en divergence et vision nette
Une fois bien acquise la perception des 3 ronds, il est plus facile d’aborder le travail de la vision nette en divergence. On utilisera des stéréogrammes, à large écartement, avec impression de texte ou de pois.

Fixer un objet situé loin et placer par exemple un stéréogramme "latin" devant les yeux. On perçoit un seul rond, très flou. Laisser le test devant les yeux, l’objet au loin n’étant plus visible. Ne surtout pas chercher à regarder les ronds.

Eloigner progressivement le papier, les deux autres ronds latéraux apparaissent, eux aussi flous. Au fur et à mesure qu’on allonge le bras, les 3 ronds apparaissent de plus en plus nettement. On peut marquer un temps d’arrêt pour essayer de faire une mise au point sur le rond central. Avec de l’entraînement, on voit plus nettement ces ronds, un peu plus près des yeux.

On peut, au début, mettre des lunettes pour la vision de près (+3 à +1) et effectuer cet exercice. La netteté des images est alors évidente. La puissance des verres sera alors diminuée puis supprimée.

EXERCICE DE CONVERGENCE
Les exercices en convergence sont très souvent plus fortement ressentis. L’apprentissage est plus difficile et doit être contrôlé par un(e) orthoptiste.

Au lieu de fixer comme pour le travail en divergence en arrière du stéréogramme, il faut fixer en avant du stéréogramme. Au début, la distance de fixation sera très proche. Le principe reste d’obtenir un 3ème rond central qui sera, lui, perçu en avant des deux autres.

Dans un premier temps, on prendra un stéréogramme simple avec 2 queues latérales (Figure 4).

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Figure 4
: Stéréogramme noir et blanc avec des queues latérales.

Technique
À
environ 30cm, former une "pince" avec le pouce et l’index de la main gauche. De l’autre main, placer le stéréogramme juste derrière cette pince. L’ouverture des doigts doit être égal au diamètre des ronds (Fig. 5A).

Placer la pince entre les 2 ronds imprimés et fixer entre les deux doigts le point A comme suggéré sur la figure.

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Figure 5
: Exercice en convergence.
A. Devant le stéréogramme, former une "pince" à l’aide des deux doigts de la main; son ouverture sera égale au diamètre des ronds.
B. On perçoit 3 ronds, le rond central étant comme tenu par la pince.

Rapprocher cette pince des yeux, lentement, le test lui ne bougeant pas. On perçoit alors 2 puis 3 puis 4 ronds. Il existe donc une position de la main où le 3ème rond central est perçu, en avant, avec deux queues latérales. On repositionne la pince de telle façon que les 3 ronds soient perçus, le 3ème étant comme tenu entre les deux doigts (Figure 5B). Si le sujet perçoit 2 ou 4 ronds, c’est que la pince est trop proche ou trop loin du stéréogramme.

Une fois les 3 ronds bien stables, écarter ensuite doucement les doigts en gardant le regard maintenu sur ce 3ème rond. S’il disparaît, il faut refermer rapidement la pince pour le récupérer.

Si l’on a beaucoup de mal à garder ce 3ème rond en enlevant la pince, on peut faire des mouvements lents de va et vient du test et de la pince vers le nez.

Une fois ce rond central stable (Figure 6) sans l’aide de la pince, on rapproche lentement le test le plus près possible des yeux, en marquant des temps d’arrêt, toujours en continuant de le percevoir net. S’il devient flou, reculer le test un peu, attendre que la mise au point se fasse, puis réavancer le test vers les yeux.

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Figure 6
: Exercice en convergence.
Perception d’un 3ème rond, central, situé en avant du test. Il est formé de la superposition des deux autres.

Peu à peu, l’exercice se fait de plus en plus près et sans effort.

On doit pouvoir, après plusieurs séances, percevoir, d’emblée ce 3ème rond sans aucune aide.

S’aider de couleurs
On peut entourer chaque queue d’une couleur différente. Si la couleur de droite du rond central "clignote", c’est l’œil gauche qui a tendance à neutraliser, si c’est la couleur de gauche, il s’agit de l’œil droit.

Augmenter la difficulté
On peut prendre soit des stéréogrammes simples de plus en plus écartés (plus l’écartement entre deux stéréogrammes est important, plus la convergence fusionnelle est sollicitée) (No 11, 16), soit les stéréogrammes à flèche (No 20), soit les stéréogrammes sollicitant l’accommodation (à pois, latin, Camille). Il faut percevoir les 3 ronds en gardant les pois toujours nets quelque soit la position du stéréogramme (Figure 7).

On peut aussi augmenter la distance en accrochant un stéréogramme mural. On se place loin et on converge en avançant vers le stéréogramme.

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Figure 7
: Quelques stéréogrammes stéréogramme "latin", stéréogramme "Camille", stéréogramme à flèche, stéréogramme à pois

EXERCICE EN DIVERGENCE
On relâche l’accommodation et la convergence en reprenant les exercices en divergence. Ce troisième stade, identique au premier, peut parfois paraître difficile à exécuter alors qu’il semblait facile au début, cela tient au travail précédent fait en convergence. Il est difficile de garder la vision nette aussi loin que lors des premiers exercices en divergence, c’est pourquoi ce travail de relâchement est important.

Nous vous avons présenté le principe d’utilisation du stéréogramme. Il existe de grandes variantes quant aux stéréogrammes eux-mêmes pour diversifier les exercices et éviter la monotonie, et à la façon de les tenir (travail dans le regard en haut ou en bas).

Mais, cette rééducation avec les stéréogrammes, si elle a l’avantage de se faire à la maison et donc d’accélérer le processus de guérison, doit toujours être contrôlée par une orthoptiste. Les exercices doivent être adaptables en fonction de chacun, la part respective des exercices en divergence et en convergence pouvant être modulée.

Comme travail d’entretien, quelques minutes suffisent pour effectuer cette rééducation à la maison, une ou deux fois par jour en fonction de l’état du patient.

Références
F. Bourrié, J.-B. Weiss. Les stéréogrammes. J.Fr.Orthoptie, 1972, 4, 113
J.-B. Weiss. Stéréogrammes à trous. Varia 11, 31
J.-B. Weiss. Stéréogrammes calibrés. Varia V, 79.


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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)