EXAMEN DE LA MOTILITÉ DU BÉBÉ
Jean-Bernard WEISS
(Paris)
Lexamen de la motilité oculaire dun bébé strabique est malaisé en raison du manque de coopération de lenfant et de ses réactions dopposition lors de certaines manuvres.
Les quatre questions essentielles sont :
Variabilité de langle
La variabilité de langle doit être demandée lors de linterrogatoire des
parents.
Pour lapprécier directement, aucune manuvre spécifique nest à appliquer. Il suffit de regarder lenfant, tout enjouant avec lui. Lors de cet examen, on notera sil y a une alternance spontanée ou une nette dominance dun il.
La photographie dans lobscurité permet de garder un document. Un appareil utilisant des pellicules à développement instantané, de type "Polaroïd", facilite cet examen. La technique est simple, mais coûteuse.
Il faut disposer dune pièce dans laquelle on puisse faire lobscurité. Lenfant est installé sur les genoux de sa mère. On allume et on éteint la lumière, tout enjouant avec lui, pour lhabituer à ces variations de lumière sans déclencher de réaction de panique.
Figure 1 : À gauche photographie prise dans lobscurité avec un flash.
À droite photographie prise dans une pièce normalement éclairée.
Cette technique photographique est dun emploi exceptionnel; son principal mérite est de fournir un document objectif.
Mais on peut rechercher ce redressement dans lobscurité en allumant et en éteignant une lampe de poche dans une pièce obscure. Sil y a redressement dans lobscurité, le "spasme de convergence", qui napparaît quune fraction de seconde après le retour de la lumière, peut être évalué par un examinateur entraîné.
La vraie difficulté de cet examen réside dans le comportement de lenfant; une réaction dopposition ou simplement la dispersion de son attention rend cet examen impossible.
Lidéal est de rechercher un relâchement du spasme par la manuvre de léblouissement de Jeanrot; cela nous a été souvent possible.
Détection dune lamblyopie
Lévaluation de lacuité visuelle du bébé par la méthode du regard
préférentiel sort du cadre de lexamen clinique. Cette méthode est lourde; elle
semble inopérante quand langle de déviation est important, en particulier en cas
de fixation croisée.
On est donc réduit à admettre les postulats suivants :
En pratique, lalternance spontanée ou provoquée élimine le diagnostic damblyopie unilatérale. Mais lenfant peut refuser locclusion de lun et lautre il, occlusion quil ressent alors comme une agression.
Pour locclusion alternée, lécran translucide de Spielmann est bien mieux accepté quun écran opaque.
Deux techniques docclusion nous paraissent relativement satisfaisantes :
Lenfant une fois familiarisé à ces manuvres, le cache est laissé devant lil de lenfant pendant 3 à 4 secondes, le temps de déclencher une éventuelle réaction dopposition liée, non pas à lagression, mais à lexistence dune amblyopie de lautre il.
Figure 2 : Les différentes approches de lE.T.S.
Quelque soit la technique utilisée, il est souhaitable de donner ê lenfant un troisième écran ou tout autre objet pour occuper ses mains.
Les lunettes à secteurs peuvent être utilisées pour la détection de lamblyopie, à condition que lensemble monture plus secteurs ne soit pas ressenti comme une agression. Ces mêmes lunettes peuvent servir lors de la recherche de labduction.
Excursion temporale
Si langle de déviation dun strabisme convergent précoce est important,
le tableau clinique se présente sous la forme dune fixation croisée, avec fixation
en adduction, le plus souvent alternante. Cet aspect de "faux double VI" est
fréquent.
Dans un tel cas, il est difficile dobtenir labduction des deux yeux. Mais il faut pouvoir éliminer une vraie paralysie dun droit externe ou, ce qui est plus fréquent, un syndrome de Stilling Duane.
Nous avons vu 6 enfants, présentant un syndrome de Stilling Duane, qui portaient des secteurs binasaux. Dans de tels cas, le traitement est inutile et cruel.
Des lunettes avec secteurs binasaux permettent, théoriquement, de faire ce diagnostic de fixation croisée sans vraie paralysie des droits externes. Encore faut-il que lenfant accepte lexamen.
Les montures, répétons le, constituent déjà une agression. Lenfant regarde plus volontiers lophtalmologiste que lobjet que ce dernier lui présente pour attirer son regard. Pour regarder un objet latéral, tout comme un adulte, lenfant tourne la tête plutôt que les yeux; cela est encore plus net en cas de fixation croisée quand un il est éliminé et que lautre il cherche à fixer un objet situé en temporal.
Pour pratiquer cet examen dans les meilleures conditions, on laissera le bébé dans son landau ou son couffin. Il est alors dans son univers. Couché sur le dos, il se tournera plus difficilement vers la droite ou vers la gauche que sil était assis sur les genoux de sa mère. Lenfant âgé de moins de un an est très sociable; le visage de lexaminateur lintéresse beaucoup plus quun quelconque objet lumineux ou sonore.
Doù la technique :
Figure 3 : Bébé dans son couffin, équipé de lunettes à secteurs.
On peut aussi se servir de la joue de la mère pour cacher dune façon "naturelle" lil dun enfant. Les manuvres sont un peu compliquées et parfois difficiles à expliquer.
La mère tourne le dos à lophtalmologiste et porte son enfant à lenvers. Dune main elle soutient lenfant, de lautre elle lui tient la tête en lui cachant un il avec sa propre joue. Cette occlusion "jugale" est relativement bien acceptée par lenfant pendant les quelques secondes nécessaires à lophtalmologiste pour vérifier que lenfant peut fixer de son il libre en position primaire et même en abduction.
Figure 4 : La mère tourne le dos à lexaminateur; sa joue cache un il de
lenfant.
Recherche dun syndrome alphabétique
Si lon pratique des opérations précoces, il faut savoir détecter un
syndrome alphabétique. Bien entendu, il ne peut sagir de mesures objectives de la
variation de langle du strabisme dans le regard en haut et en bas. On se contente
dune comparaison approximative que peut conforter la photographie.
Provoquer la fixation dun bébé vers le bas et/ou vers le haut est particulièrement difficile. Lutilisation de jouet lumineux ou sonore est insuffisante pour entraîner son regard dans une telle position excentrée. Là encore, il faut que lenfant ne puisse pas bouger la tête, tout en étant dans une position relativement confortable. "L'objet de fixation" sera à nouveau la face de lobservateur.
Lenfant est allongé sur le dos; un bébé sera placé dans son couffin et un enfant plus âgé sera allongé sur une banquette.
Tout en approchant son visage du visage de lenfant, lobservateur se placera successivement aux pieds et à la tête de lenfant. Avec un peu de chance, lenfant le suivra du regard.
On peut même prendre des clichés photographiques dans ces deux positions.
On arrive ainsi à mettre en évidence des syndromes A ou V chez des enfants de moins de 1 an.
Figure 5 : Nourrisson âgé de 10 semaines, allongé sur une banquette.
Photographies prises en se tenant aux pieds puis en arrière du bébé. Le syndrome en A
est évident.
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(Dernière mise à jour de cette page le 28/05/2006)